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Si le film semble céder au départ aux traditionnels clichés du monde scolaire avec ses élèves hauts en couleur, son collège que l'on devine d'un quartier difficile, ses petites frappes, une enseignante au passé semble-t-il compliqué..., il serait dommage de s'y arrêter. L'école est à nous est le "Sister act, acte 2" à la française sans Whoopi Goldberg mais porté par Sarah Suco, motivée et motivante, et où un groupe d'élèves hétéroclites va finir par former une véritable équipe et s'offrir (et nous offrir) une belle victoire.

Le synopsys ? "Un film sur une expérience pédagogie inédite ! Le film L'ECOLE EST A NOUS, qui sortira au cinéma le 26 octobre, raconte l'histoire de Virginie Thévenot, une prof de maths un peu spéciale, qui profite d’une grève générale dans un collège pour tenter une expérience hors du commun avec un petit groupe d’élèves. Elle prend un pari : leur laisser faire ce qu’ils veulent… Une petite révolution au sein du collège qui va bouleverser leur vie à tous."

Les laisser faire ce qu'ils veulent... Mais vous n'y songez pas ???!!! Eh bien si ! Le film ouvre le champ des possibles au travers d'une utopie réaliste.

Cette expérience inédite où chacun commence par ne rien faire ("quand vous demander à un ado de ne rien faire, il le fait", dixit Ousmane, attachant prof de technologie) avant de se découvrir des envies et des compétences. Les profils des élèves sont là et qui travaille dans l'enseignement ou auprès des jeunes pourra sans peine y accoler de nombreux prénoms : le semi-caïd au grand coeur, l'intello timide, le "petit gros" peu doué en sport, le provocateur des bacs à sable, la fashion victime, la première de la classe pressurée par ses parents et surtout la décrocheuse aux compétences réelles mais ignorées.
 
Que veut-on de notre éducation ? Telle est la question posée par le réalisateur, Alexandre Castagnetti, qu'il réaffirmera durant la rencontre ayant suivi la projection. Le film questionne l'école, en particulier les modalités d'évaluation en se demandant si face à des profils différents nous évaluons le cadre ou les compétences véritables.
Certaines scènes offrent des pistes de pédagogie intéressantes que l'on sent bien sorties de l'expérience scolaire :
Par exemple, l'utilisation de la théorie des jeux pour départager deux ados qui se disputent la "propriété" d'une console de jeu ; ou l'utilisation d'un test biaisé pour une évaluation permettant de démontrer le rôle important de la confiance dans l'apprentissage. 
 
Le film, tourné dans une cité scolaire du 19ème à Paris, a d'ailleurs vu son scénario validé par l'Éducation nationale (nécessaire pour obtenir l'autorisation de tournage).
La question fut en effet posée dans la salle tant l'on pourrait imaginer que cette petite révolution portée à l'écran pourrait déranger et écorner l'image de l'école que l'on connaît aujourd'hui. Il n'en est rien. Le film a même provoqué de l'enthousiasme mais l'on se heurte, comme l'indiquait Alexandre Castagnetti, au problème de la "machine" qui avance et ne prend pas forcément le temps de se poser et de réfléchir.

 

Histoire vraie ou pas ? Je me suis posé la question.

Il s'agit plus d'un mix de différentes inspirations. On pourrait certes citer la Finlande et son système scolaire extrêmement différent (pas de matière, pas d'horaire, travail en mode projet et... 3ème au classement PISA) mais ce serait oublier qu'il existe également des différences de culture qui facilitent plus ou moins l'adoption d'un système d'éducation particulier.

Les expériences existent pourtant en France et sont nombreuses.

Le scénario est en effet véritablement documenté et basé sur des expériences existantes. Nul conte de fées sorti d'un chapeau. "L'école est à nous" ne prône pas en effet la révolution totale mais cherche des pistes pour insérer des petits bouts d'utopie réaliste dans les cours, dans la pédagogie, pour concrétiser les savoirs, apprendre à se connaître et surtout entraîner un effort collectif.
 
On y parle donc de l'envie d'apprendre, du storytelling, des histoires de plus en plus nécessaires pour donner du sens et faire vivre les savoirs, de la relation prof-élève où l'on s'apprend, se soutient parfois mutuellement.
Le film, s'il a touché en grande partie le public, n'a pas été sans faire réagir. Au cinéma, on peut tout faire mais dans la vie ?
Une enseignante témoigne, rappelle que le professeur est responsable des savoirs à transmettre, doit assurer les connaissances primordiales, la sécurité des élèves, tout en gérant la pression du cadre, du programme, des parents... Les freins sont nombreux et variés. Le film ne prétend cependant pas donner de recette miracle mais veut juste lancer le débat, comme l'affirme le réalisateur. Au vu des nombreuses questions posées et témoignages apportés, il le fut.

Assez parlé du fond ! Que dire de la forme ?

Si Sarah Suco, en professeur torturée mais positive, est convaincante, ses acolytes le sont tout autant et l'on a parfois l'impression de ne pas être devant un écran mais dans la vraie vie.
Le professeur de technologie, Ousmane, fait ainsi un parfait partenaire d'abord un peu hésitant puis tout à fait volontaire. Oussama Kheddam, qui l'incarne, évoquera d'ailleurs durant l'échange une expérience qui l'a marqué en CM2 durant laquelle son instituteur organisait le "mardi à la carte" où l'organisation du cours était totalement différente et laissait place à plus de liberté.
 
La part de naturel est grande chez les ados et le tournage leur a offert une part d'improvisation malgré bien évidemment des dialogues écrits.
À entendre l'équipe, les personnages ressemblent à la réalité de leurs acteurs, hormis pour Sofia Bendra qui incarne l'autre personnage principal du film et dut composer un peu plus avec Malika, élève décrocheuse mais petit génie de la mécanique. Celle-ci revendique en effet avec justesse un parcours scolaire sans accrocs et aura cette belle phrase : "si on aime le prof, on aime la matière". Force est de constater que cette première expérience lui aura donné le goût du cinéma, non plus devant l'écran mais cette fois derrière, car, une fois sa scolarité terminée, elle compte bien poursuivre sa carrière d'actrice.
 
Les commentaires sur les réseaux sociaux se moquent parfois lors de débats sur l'école en indiquant que tous sont experts car tous sont allés au moins une fois à l'école. Nul besoin d'être expert pour se faire plaisir et entamer la réflexion. "L'école est à nous" sort officiellement en salles le 26 octobre. Vous savez ce qu'il vous reste à faire...
 
Dernière modification le lundi, 17 octobre 2022
Cauche Jean-François

Docteur en Histoire Médiévale et Sciences de l’Information. Consultant-formateur-animateur en usages innovants. Membre du Conseil d'Administration de l'An@é.