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L'An@é a organisé en Aquitaine des rencontres avec tous les acteurs de l'éducation : " Paroles d'éducation".  Parents, étudiants, animateurs, enseignants, élus, éditeurs, médiateurs culturels, tous ont été interrogés. A chaque "Parole de..." une règle : formuler 8 propositions. C'était en 2012 et 2013. Les demandes sont-elles les mêmes aujourd'hui ? En attendant d'autres "Paroles d'Education", synthèse (Marcel Desvergne et Michelle Laurissergues).

La dynamique d’un écosystème

D’une manière générale, on a clairement ressenti à la fois de l’attachement à l’école et des attentes fortes d’un changement adapté à la société actuelle, avec la nécessité de l’ouverture d’un système éducatif. L’école dans une société complexe, connectée, dominée par les questions économiques doit être en phase avec l’actualité, la culture, le sport, les langues étrangères, les activités de découvertes et les pratiques sociales liées notamment à la mobilité.

La revalorisation et l’estime du corps enseignant ainsi que des pratiques scolaires de développement de l’estime de soi est un point important développé par les enseignants, les parents et les élèves.

Les questions de formation des enseignants ont été très présentes avec la prise en compte de nouveaux modèles d’enseignement et des formations à distance et la prise en compte la diversité des élèves. Pour les enseignants, la nécessité de pouvoir partir en stage, en entreprise, où même à l’étranger a été évoquée.

1 - « Paroles de parents »

Les échanges ont mis en avant, dans une société perçue « violente » avec un discours de la compétition, la présence accrue des écrans, le besoin d’intégrer les innovations, un besoin de réflexions et une nécessité que l’école soit un lieu de socialisation permettant à chaque enfant de s’épanouir.

Une demande de relations, d’inter connectivités et de stratégies cohérentes entre tous les acteurs éducatifs a été plébiscitée ainsi que la cohérence des différents paliers de l’école, de la maternelle à l’université.

Les huit propositions

  1. L’enseignement doit permettre de former des têtes bien faites plus que bien pleines et permettre le libre arbitre.
  2. L’on doit avoir le droit à l’erreur et permettre à chacun de rebondir.
  3. Il faut respecter le développement des enfants et permettre à chacun d’entre eux d’évoluer à son rythme.
  4. L’éducation doit créer les liens sociaux et permettre l’épanouissement par un partage assumé du temps.
  5. Les enseignants doivent pouvoir gérer les classes par un partage des groupes et des approches individuelles.
  6. La confiance des parents est essentielle, il faut les insérer dans le combat de l’éducation.
  7. Les enseignants devraient connaitre les réalités du monde hors de l’école et n’avoir pas peur de faire stages et rencontres dans la société.
  8. Il est important et nécessaire de valoriser l’ensemble des métiers et pas seulement les diplômes.

2 - « Paroles d'élèves et d'étudiants »

L'école est-elle en adéquation avec les aspirations des élèves et des étudiants? Le cours a t-il évolué? Est-il toujours très transmissif, intègre t-il de nouveaux outils? Quels sont les modes et outils de collaboration entre étudiants? 

De nombreuses questions ont été abordées dont un besoin d’orientation prospectif avec une prise en compte de l’avenir, une nécessité de confiance entre enseignants et étudiants, une incontournable adaptabilité de l’école face au monde qui change et une demande de formation à la vie réelle et à l'actualité, comme si une « fermeture » de l’école sur elle-même était une impasse. Plusieurs fois la formation aux usages du numérique pour les professeurs comme les étudiants a été évoquée avec les jeux sérieux, les réseaux sociaux, la culture informationnelle, les formations hybrides.

Les huit propositions

  1. La généralisation de l’utilisation du numérique, enjeux d’ouverture et de liberté pour une éducation en phase avec le monde, est une obligation.
  2. L’adoption d’un crédit de formation tout au long de la vie (8 ans par exemple) est un levier multiplicateur de chance pour s’insérer dans la société en mouvement.
  3. Le lieu scolaire doit traiter aussi de l’actualité en cours. L'école doit intégrer les questions de société.
  4. L’interactivité entre les professeurs et les étudiants doit s’instaurer pour une réussite partagée.
  5. Former à comprendre, implique d’expliciter les méthodologies d’enseignements utilisées, dont les outils numériques (ENT, formation à distance, cours en ligne, ...)
  6. L’ouverture de l’école au sport et à la culture est un excellent moyen de réussite pour tous.
  7. L’étude des langues étrangères est un atout, marqueur d’avantages et qu’il faut utiliser tous les moyens actuels pour y parvenir.
  8. L’orientation scolaire doit évoluer dans toutes ses dimensions, et le choix des métiers par la voie professionnelle ne doit pas être dévalorisé par un choix par défaut.

3 - « Paroles d'enseignants et d'éducateurs »

Partant des constats de transformation du rapport aux savoirs, ont été évoquées les inquiétudes légitimes d'une profession militante malmenée qui ressent parfois une véritable souffrance et un sentiment de mésestime sociale.

La question de la formation a été fortement discutée avec la nécessité de pratiquer de nouveaux modèles afin que le système scolaire puisse prendre en compte la diversité des élèves et répondre à leurs besoins.

Les huit propositions 

  1. L’existence de nouvelles conditions – numérique, mobilité, travail – obligent élèves, étudiants et professeurs, ensemble, à un original et dynamique rapport aux savoirs
  2. C’est une obligation de faire « bouger » la formation des enseignants par son recrutement et son professionnalisme. Le type de formation des ingénieurs a été mis en avant.
  3. Il faut impérativement redonner de l’estime à la profession des enseignants pour répondre au désarroi, désaveu et déclassement perçus par elle.
  4. Il s'agit de construire une « école pour tous » sans rupture entre les différents paliers – écoles/collèges, lycées/université – et en insistant sur une nécessaire cohérence, impératif civique.
  5. Le recrutement des enseignants est à étudier de manière à permettre la construction d’une réelle communauté éducative
  6. Il est nécessaire de rendre souple les hiérarchies de l’institution scolaire en lui faisant dépasser son modèle « napoléonien » vers un fort pilotage national intégrant une liberté et autonomie locales.
  7. L’obligation d’aller en stage dans des lieux d’éducation d’autres pays d’Europe et du monde est une manière judicieuse d’ouvrir l’éducation aux réalités multiples de la mondialisation.
  8. Les outils numériques, l’éducation à distance, les demandes de la société obligent l’institution éducative à « inverser » sa matrice et, sans perdre son pouvoir, doit proposer du plaisir d’apprendre et des méthodes d’organisation prenant en compte la diversité d’apprentissage des élèves et étudiants.

4 - «  Paroles d’élus ruraux » 

Les élus ruraux sont très largement sollicités et investis dans la sphère éducative. Ce ne sont pas uniquement les locaux ou les équipements qui comptent aujourd'hui.

On leur demande de comprendre le système même dans ses composantes pédagogiques car les liens entre les structures, les équipements, les ressources, les temps périscolaires et les animations culturelles sont de plus en plus forts et influencent les conditions de l'apprentissage.

Les huit propositions 

  1. Placer avant tout l’intérêt des enfants.
  2. Ne jamais oublier les acteurs du terrain, dont les associations qui font vivre la vie sociale.
  3. Que l’Etat ne doit pas, même en temps difficiles, oublier d’investir sur le terrain.
  4. Eviter la précipitation et donner du temps pour la réflexion.
  5. L'éducation étant un sujet si important et vaste, on doit se doter de moyens de dialogues.
  6. Amplifier la concertation en l’élargissant à tous les acteurs qui agissent au service de la vie communale.
  7. Valoriser les activités culturelles.
  8. Envisager la prise en charge de tous enfants sur toute la journée et s’en donner les moyens

5 - « Paroles de médiateurs » 

La « médiation » semble devenir indispensable dans notre société complexe et en réseaux. Médiation scientifique, culturelle, éducative, les différentes approches sont indispensables à l'école et dans la cité.

Les huit propositions 

  1. L’ouverture des établissements scolaires doit pouvoir favoriser une « perméabilité sociétale » entre les structures de médiation et l’école.
  2. L’intermédiation devrait être une des compétences de l’enseignant.
  3. L’éditorialisation du savoir, la scénographie de la connaissance et la prise en compte de l’émotion dans le lieu scolaire, sont des atouts pour la réussite des élèves.
  4. La connaissance, la rencontre humaine, l’animation et l’imaginaire présents dans les médiations culturelles créent des liens dans des univers disciplinaires.
  5. La mise en culture du savoir, dans une démarche de projet, permet de donner ou de redonner du sens, moteur d’intégration de la connaissance.
  6. Des activités de découverte avec des manipulations croisées et des productions collectives permettent de décontextualiser les disciplines.
  7. L’institution éducative doit faire évoluer l’approche « prescripteur » vers une appropriation personnelle des savoirs.
  8. Un autre rapport à l’espace, au temps et à l’interactivité humaine dans les apprentissages doit être instauré. 

6 - « Paroles d'éditeurs et de libraires »

Editeurs et libraires sont des acteurs essentiels dans la chaine de l’apprentissage.Livres, manuels scolaires, sites sont incontournables. Comment se structurent – ils aujourd’hui dans le paysage éducatif avec l’arrivée du numérique ou par la création de ressources par des experts non professionnels de l’édition ?

Les échanges ont porté sur l’avenir du livre dans l’univers transmédia que nous vivons, les difficultés d’une profession et les réponses obligées de notre écosystème numérique en évolution.

Les huit propositions

  1. L'’école de demain doit permette la confrontation dynamique de tous les acteurs, dont les éditeurs, et la recherche de modalités communes.
  2. L'’école ne doit pas avoir peur des acteurs privés.
  3. Changer de posture, comme la pédagogie inversée, la mise en valeur des enfants, leur octroi de pouvoirs, une confiance croisée avec les enseignants et les enfants est une attitude positive indispensable.
  4. La reconnaissance de la complexité, de la compétence des enseignants et le respect qu’on leur doit, est facilitateur de la réussite de l’école.
  5. Une loi d’exception pédagogique doit être votée face aux droits d’auteurs pour prendre en compte les nouvelles formes d’édition et de transmission des savoirs.
  6. L’école a besoin de développer une stratégie de médiation et de communication pour faire connaitre les publications de grande qualité.
  7. Faciliter économiquement et culturellement l’édition est signe de reconnaissance des besoins des enfants.
  8. Connaitre les besoins des enseignants, les réussites, les pépites, travailler ensemble, permet de produire des ressources pertinentes.

Les évolutions

Il est intéressant de noter qu'en 2017,  des évolutions sont notables particulièrement dans le domaine des ressources, des implications de tous les acteurs, et également les élus dans les choix stratégiques. Des innovations pointent dans de nombreuses classes. Les réseaux d'enseignants pullulent d'échanges de pratiques et le numérique est également présent notamment dans les dispositifs de formation. 

A noter encore que les questions de fond les plus récurrentes ne sont ni celles de l'équipement, ni des outils...Elles centrent les besoins sur les inter relations du système éducatif, la confiance, l'ouverture et l'adéquation de l'école avec le monde actuel.

Ces propositions issues d'experts de terrain, sont toutes à relire avec attention car elles augurent encore des chantiers à poursuivre et à venir.

A suivre...

Dernière modification le jeudi, 22 mars 2018
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.