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Equipe : Julie/Johan/Nico/Nima/Robin

Nico : Cette semaine le Vanuatu a subi un cyclone dévastateur dont on ne connait pas encore l’étendue des dégats. Suite à cela, les quotidiens français se posent la question de savoir si c’est un signe de plus du réchauffement climatique ou si cela n’a rien a voir. Les médias se battent comme s’il fallait encore encore “prouver” le réchauffement climatique. Pourtant, comme à chaque fois que l’on reçoit Nima, nous allons parler d’un sujet qui fait consensus dans la communauté scientifique mais qui fait encore beaucoup trop débat dans les médias… Nous sommes les 17 mars 2015, vous êtes dans PodcastScience 210, bienvenue !

Julie : Nima bienvenue et merci à toi d’avoir accepté de répondre une nouvelle fois à nos questions.

Nima : Merci de m’avoir invité !

Julie : Tu sais que c’est toujours un immense plaisir pour nous ! Pour commencer, et pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents, donc je vous rappelle qu’on a déjà reçu Nima sur lesmédecines alternatives et les vaccins, est-ce que tu pourrais brièvement te présenter ?

Nima : Je travaille à l’université de Poitiers, où je suis enseignant-chercheur, je ne travaille pas du tout dans les domaines dont je parle, donc il faut toujours prendre avec un peu de recul ce que je dis, vérifier ce que je peux dire, éventuellement corriger si besoin est. Donc je travaille dans un domaine qui s’appelle l’automatique et l’informatique industrielle. C’est grosso-modo de la stabilité et de la stabilisation, la stabilité ça se retrouve un peu dans le climat parce qu’on a des équilibres thermiques, on a des phénomènes de retour qui font bouger ces équilibres etc. Donc ça touche un petit peu, de loin, à mon domaine, et puis je suis surtout blogueur au café des sciences. Un peu fainéant ces derniers mois, même nombreux derniers mois, parce que ça fait très longtemps que je n’ai pas publié un nouvel article, mais j’espère bien que ça revenir. En tout cas à chaque fois que je suis invité à Podcast Science je me dis “allez, je vais relancer la machine” donc peut-être que là ça va être la bonne.

Julie : On espère !

Nico : Au moins pour la version écrite de ce que tu vas nous faire ce soir, comme d’habitude.

Nima : Oui comme d’habitude bien sûr. [rires]

Julie : Alors on va rentrer dans le vif du sujet : est-ce que tu pourrais nous parler du changement climatique, est-ce qu’il y en a un et comment on le sait ?

Nima : La question est assez difficile, je vais peut-être faire un petit détour mais je vais y arriver à cette question. Je vais commencer par dire que 2014, c’est l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis qu’on mesure des températures moyennes sur terre. Mais en disant ça, à la fois je donne une information qui va dans le sens d’un réchauffement et à la fois je n’en donne pas une. Parce que si c’était l’année la plus froide jamais enregistrée ce serait le même problème, c’est à dire que la réponse serait la même, il y a un réchauffement. Ca c’est un problème général qu’on retrouve dans les médias, c’est à dire qu’on va mettre en avant certains records, mais le problème c’est que si l’année d’après il y a une chute, ceux qui sont contre le réchauffement vont dire “ah ben cette année il fait moins chaud” ou “c’est l’année la plus froide”. A vrai dire ce n’est pas ça l’important quand on parle de réchauffement climatique, c’est la manière dont les choses évoluent sur un certain temps donné et ce temps doit être assez long pour voir une évolution de ces températures.

Nico : J’ai une petite question complémentaire là-dessus, c’est que mesurer la température moyenne sur une année sur toute la planète, est-ce que ça a vraiment du sens en fait ? Parce qu’il y a des variations qui sont énormes à la fois au niveau du temps temporel et aussi au niveau spatial.

Nima : Ca a du sens si on le fait de la même manière tous les ans et qu’on fait une moyenne sur toutes ces températures. C’est là où ça a du sens parce que ça permet de voir l’évolution. En soi avoir une température moyenne sachant qu’il y a certaines régions où on est à moins trente et d’autres régions où on monte peut-être à plus trente degrés, ça n’a peut-être pas forcément de sens. Mais l’idée d’avoir une moyenne sur une année et qu’on répète tous les ans, ça permet de voir une évolution et c’est cette évolution qui nous intéresse. Donc dans ce cas là oui ça a un sens de faire une moyenne de la température qui est un indicateur parmi d’autres de comment évolue le climat sur la planète.

Deviation par rapport à la température moyenne, données NASA

Index de la température moyenne de la terre 1880-2015.
Source NASA

Nico : D’accord.

Nima : Ce qui est intéressant aussi c’est cette différence entre climat et météo. J’aimerais commencer un peu là dessus parce que c’est souvent une confusion qu’on a quand on discute avec les gens, ou même quand on discute avec des gens qui rejettent l’idée d’un réchauffement climatique. C’est l’idée qu’on n’arrive pas à prédire avec la météo au delà d’une dizaine de jours, c’est déjà beaucoup. On n’arrive parfois pas à prévoir la pluie le lendemain ou le temps qu’il va faire la semaine qui suit, donc les gens demandent souvent comment est-ce qu’on peut savoir ce qui va se passer dans cent ans au niveau du climat. Ca c’est une mauvaise compréhension de ce qu’on appelle le climat et la météo, la météo est bien un système qu’on appelle chaotique, c’est-à-dire que si on a des petites perturbations au niveau des paramètres dans l’atmosphère, on va avoir des grosses différences dans deux, trois jours, on va observer des grosses différences, même si on part avec des conditions initiales très proches au départ.

Ce phénomène chaotique ne se reproduit pas sur le climat parce que pour le climat on regarde des moyennes sur une longue période. Donc on va regarder la moyenne des précipitations sur un mois, on va regarder la moyenne de la température sur un an, ou sur deux ans, dans une région donnée, dans un endroit donné. Généralement d’ailleurs, dans le climat, l’unité de mesure ce sont des moyennes et des variations sur des moyennes, sur de longues années. Quand on dit longues années c’est généralement 30 ans, ce qui fait une période très grande. Du coup même s’il y a des phénomènes chaotiques qui se produisent dans la météo, on peut raisonnablement dire qu’au XXIIe siècle, l’été 2101 sera plus chaud que l’hiver 2101 par exemple. Ca c’est quelque chose qu’on peut avancer avec une certaine confiance, parce qu’on sait que c’est une moyenne et qu’il y a de très grandes chances que l’été soit plus chaud que l’hiver, à moins qu’il n’y ait tout d’un coup des bouleversements dramatiques sur l’orbite de la planète.

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Schéma des saisons terrestres. La forme elliptique de l’orbite de la Terre est fortement amplifiée afin de mieux la percevoir. 
Source : Wikipedia – Gothika

Cette confusion météo-climat est souvent exploitée par les climatosceptiques pour un peu brouiller le discours envers le grand public, donc je voulais un peu revenir là dessus. Donc on en vient aussi à cette idée de la température de la terre, pourquoi la terre a-t-elle une température ? Comment est-ce qu’on la calcule ? Qu’est-ce qu’il se passe etc ? Je ne parle pas de la température moyenne mais juste le fait qu’il fait 15°C aujourd’hui en moyenne sur terre et qu’on peut y vivre du coup, que la vie est possible. Parce que si on avait une température très basse comme sur certaines planètes ben la vie, telle qu’on la connaît aujourd’hui en tout cas, ne serait pas possible. Cette température moyenne autour de 15°C, à quoi est-elle due ? Elle est due notamment à l’influence du soleil donc, qui est la principale source d’énergie qu’on reçoit sur terre. Donc il y a des échanges qui se font, il y a une énergie qui rentre sur terre, elle est absorbée par la terre, et cette énergie est réémise par la terre sous forme de rayonnement de chaleur on va dire, sous forme généralement d’infrarouges. C’est le même rayonnement, c’est la même chaleur que vous ressentez, que les gens peuvent ressentir quand ils sont proches par exemple d’un feu de cheminée, où vous sentez une chaleur du feu, et bien c’est une chaleur rayonnée sous forme d’infrarouges. C’est la même chose qui se passe pour la terre, elle reçoit une énergie du soleil et elle renvoie une énergie sous forme de rayonnement infrarouge. Et donc il y a un équilibre qui se fait entre ce que la terre reçoit, via le soleil, et ce qu’elle réémet en chaleur, quand les physiciens font les calculs, ils trouvent une température à la surface de la terre d’à peu près -18°C. Ce qui est du coup loin de ce qu’on observe, je vous le disais on est aux alentours de 15°C, cette différence montre qu’il y a un problème dans la manière dont on schématise ces échanges, en tout cas il faut aller plus loin dans la modélisation. En fait ce qu’il se passe c’est que c’est l’effet de serre qui intervient. C’est quoi cet effet de serre ? Quand on imagine notre terre avec le soleil qui envoie de l’énergie sur la terre, et bien l’énergie qui est réémise par la terre sous forme de chaleur va être capturée par ce qu’on appelle les gaz à effet de serre (gaz à effet de serre), donc principalement le CO2 et puis la vapeur d’eau, et réémise vers la terre.


Source : Oknagan university college Canada, service géographie; université d’Oxford section géographie; EPA Washington; Changements Climatiques 1995, Données scientifiques sur les changements climatiques, contribution du groupe de travail au deuxième rapport du GIEC

Donc il y a une certaine chaleur qui est projetée vers l’espace qui est réémise vers la terre grâce ou à cause des gaz à effet de serre, ça dépend de la manière dont on voit la chose. Donc c’est ce retour là qui permet de réchauffer la terre de -18°C à 15°C en fait, ce qui permet de retomber sur une valeur qui correspond à ce qu’on observe aujourd’hui. Donc l’effet de serre c’est quelque chose de très important parce que ça permet d’avoir une température vivable aujourd’hui sur la terre. Du coup on peut se demander quels sont les facteurs qui influencent ce climat, parce qu’on a un équilibre comme j’ai dit, il y a le soleil qui envoie de l’énergie, la terre qui réémet de l’énergie sous forme de chaleur et une partie de cette énergie est réémise par les gaz à effet de serre vers la terre ce qui contribue à la réchauffer.

Les facteurs influençant le climat peuvent être internes ou externes, et quand ce sont des facteurs externes, en climatologie on parle de forçage. C’est un terme qui revient souvent donc j’en parle un peu même si on n’est pas obligé de le connaître pour aborder le problème du climat mais c’est bien de le connaître parce qu’il revient souvent. Les forçages c’est la manière dont certains paramètres vont changer et qui vont changer cet équilibre thermique, il y a par exemple la manière dont la surface du sol réfléchit la lumière du soleil, c’est ce qu’on appelle l’albédo. Par exemple sur le pôle nord ou le pôle sud, comme il y a des étendues de glace importantes et bien il y a une réflexion plus grande donc il y a moins de chaleur qui arrive du coup. Un autre forçage c’est celui des volcans. Les volcans qui ont des grandes éruptions vont dégager des particules fines qui vont monter dans l’atmosphère, et ces particules fines peuvent soit contribuer à augmenter l’effet de serre soit aussi contribuer à rejeter une partie de l’énergie solaire qui arrive vers nous. Donc on imagine cette énergie qui arrive vers l’atmosphère, si cette atmosphère est chargée en particules dégagées par les éruptions volcaniques, une partie va être réémise directement vers l’espace et ne va pas atteindre la surface de la terre.

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Dessin de Puyo

Comme autre forçage on a aussi les gaz à effet de serre dont j’ai parlé juste avant, les nuages aussi, s’il y a des nuages qui sont très sombres, la lumière ne va pas passer et donc du coup vous allez avoir moins d’énergie qui va rentrer sur terre. Donc c’est ce qu’on observe quand on est sur la plage et qu’il y a un nuage qui passe, on sent tout de suite qu’il fait moins chaud quand on n’a pas la chaleur du soleil directement sur nous. Mais les nuages peuvent aussi jouer un rôle dans le cadre de l’effet de serre, parce qu’il y a un peu de vapeur d’eau là dedans, c’est ce qu’on observe par exemple en hiver, souvent on remarque, je ne sais pas Julie si tu as déjà ressenti ça, mais quand il pleut ou fait moins beau en hiver, qu’il y a des nuages, il fait souvent plus chaud que quand il fait très beau. Quand il fait très beau il fait aussi très froid en hiver, ben c’est ce phénomène là de forçage avec les nuages qui gardent un peu plus la chaleur. Donc voilà, il y a un équilibre qui se crée, il y a des choses qui entrent et des choses qui sortent, et des facteurs qui influencent le climat et quand on modifie un facteur parmi tous ceux là, la température de la terre est modifiée aussi.

Donc on arrive à ta question est-ce qu’il y a vraiment un réchauffement et comment est-ce qu’on le sait ? On sait tout simplement que depuis un siècle environ, il y a un facteur qui a vraiment évolué, vraiment changé, un forçage qui a vraiment changé, c’est la quantité des gaz à effet de serre. Pour donner une idée, la quantité de CO2 puisque c’est principalement lui qui est en cause ici, est passée de 280 parties par million (ppm), c’est une unité de mesure qui est très petite, donc ça reste des quantités très faibles, à 390 récemment. La quantité de CO2 dans l’atmosphère est faible au total mais a une contribution assez importante pour l’augmentation de la température. Pour bien visualiser ce que c’est ce passage de 280 à 390, il faut se souvenir que grâce à la science on peut remonter à l’atmosphère qu’a connu la terre il y a très longtemps, notamment avec les carottes glaciaires.

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Concentration atmosphérique en CO2 mesurée soit directement soit dans des carottes de glace. 
Source du graphique : wikipedia

Quand on va au Pôle nord et qu’on fait des carottes glaciaires, il y a de l’air qui est emprisonné dans de la glace. Plus on descend dans la glace, plus on va loin dans le sol quand on creuse dans la glace, plus on a de chances de trouver des particules d’air qui ont été gelées il y a très longtemps. Donc comme ça on peut remonter le temps et découvrir combien de CO2 par exemple était présent il y a 1000 ans, 2000 ans, 3000 ans, et on peut remonter jusqu’à 800.000 ans comme ça, ce qui est énorme.Jamais dans l’histoire de l’humanité on n’a atteint un taux aussi élevé que celui qu’on a aujourd’hui. Donc ça reste un pourcentage faible dans l’atmosphère, les climatosceptiques jouent souvent sur cette faiblesse de la concentration en CO2. Mais quand on regarde sur l’échelle géologique, sur un temps très long, quasiment un million d’années, et bien la terre n’a jamais connu une telle quantité de CO2.

Cycle du carbone dans les océans. Source : Isaac Sanolnacov pour Wikipedia

Cycle du carbone dans les océans.
Source : Isaac Sanolnacov pour wikipedia

Comment sait-on que c’est dû à l’homme cette augmentation du CO2 ? C’est un peu technique mais c’est parce qu’on peut véritablement faire la différence entre le CO2 émis par les hommes et le CO2 émis naturellement. Parce que dans la nature il y a des dégagements de CO2 qui se font, par la respiration des plantes, par l’océan qui peut absorber une quantité de CO2assez phénoménale, et aussi réémettre une quantité de CO2 assez phénoménale. Pour donner des informations un peu précises, j’ai trouvé des choses parlantes : l’océan dégage 780 Giga tonnes (GT) de CO2 par an, l’océan absorbe aussi 780 GT de CO2 par an. Il y a un cycle qui se fait, 780 GT c’est énorme comparé à ce que dégagent les êtres humains pendant une année, les humains c’est 30 GT, c’est vraiment très faible bien sûr par rapport à ce que dégagent les océans. Mais le problème c’est que l’océan fait un cycle, il y a donc un équilibre, alors que ce que dégage les humains se surajoute à ce cycle qui est déjà en équilibre. Donc du coup on déséquilibre ce cycle et on constate une augmentation du CO2.

Comment sait-on que c’est vraiment le dégagement dû à l’activité et pas les volcans, pas l’océan ou pas la nature. C’est parce que le CO2 dégagé par l’activité humaine a une signature qu’on peut détecter, parce qu’il est principalement dû au pétrole et aux combustibles (charbon,…) et ce pétrole est issu de la dégradation il y a des millions d’années de plantes, de végétaux, qui ont été méthanisés. Le carbone qui est contenu dans ces produits-là qu’on utilise dans l’activité humaine, c’est un carbone qui est un peu particulier et qu’on peut détecter comme une forme de carte d’identité de ce carbone, on peut vraiment dire “la quantité de CO2 qui vient des activités humaines augmente dans l’atmosphère”. En terme technique on parle d’isotopes, on a des isotopes différents quand on a des carbone qui viennent de l’activité humaine, carbone 12 si je ne me trompe pas, et dans la nature on a une présence de carbone 13 et la quantité de carbone 13 dans la nature diminue par rapport à la quantité de carbone 12.

Robin : Pardon je t’interromps mais comment ça se fait que ce ne soit pas le même, parce qu’à la base tout ce qu’on utilise ça vient de la nature, ce sont les transformations qu’on fait subir par exemple au pétrole ou c’est la combustion ?

Nima : Je ne crois pas… Je ne pense pas que ça vienne de la combustion, je pense que ça vient du processus, de la manière dont ça a été créé à la base.

Robin : Parce qu’a priori des histoires de trucs qui crament, il y a aussi des choses qui se passent sans l’homme qui crament.

Nima : Ah oui !

Julie : Je pense que là ça vient de la matière première vraiment, le carbone différent.

Nima : Ca vient de la matière première ouais.

Robin : Donc là peut-être plus le pétrole que le charbon, enfin je ne sais pas, parce que le charbon a priori c’est quelque chose qui doit ressembler à ce qu’il fait naturellement non ?

Julie : Oui oui mais ce sont des matières fossilisées en fait. Je pense que ça vient du processus de dégradation… qui altère d’une manière ou d’une autre le carbone, enfin je ne sais pas mais j’imagine que c’est ça.

Robin : Oui d’accord.

Nima : Oui c’est ça. En tout cas, l’aspect technique est peut-être moins important, j’aurais peut-être pas dû me lancer là dedans. Mais c’était vraiment l’idée de dire quel genre de carbone est émis dans l’atmosphère, il y a vraiment une carte d’identité du carbone dégagé par l’activité humaine, qu’on peut repérer du coup scientifiquement et mesurer et voir que ses pourcentages augmentent dans l’atmosphère, c’est ça qui est intéressant. Donc du coup il n’y a pas vraiment de discussion possible, on sait que le CO2 augmente dans l’atmosphère et que vraiment c’est issu de l’activité humaine.

Julie : Ca règle un peu la question de l’origine anthropique du réchauffement.

Nima : Ben oui, c’est exactement ça. Parce il y a deux choses sur cette origine anthropique, d’abord on sait que c’est vraiment l’homme qui fait augmenter la quantité de CO2 dans l’atmosphère depuis un siècle, ce n’est pas dû à l’activité volcanique par exemple ou à autre chose. D’ailleurs j’avais noté pour les volcans, on est à 1,2 GT par an, pour l’activité humaine c’était 30 GT, pour les océans 780 GT, mais comme je l’avais dit pour les océans il s’agit d’un cycle, ce qui sort rentre dans l’océan, c’est compensé. Donc ça donne un peu des ordres de grandeur de ce que les hommes rejettent.

Un modèle climatique simule les interactions entre l'atmosphère, l'océan et les surfaces continentales. © Jean Louis Dufresne, CNRS

Un modèle climatique simule les interactions entre l’atmosphère, l’océan et les surfaces continentales.
© Jean Louis Dufresne, CNRS

Ce qui est intéressant aussi c’est qu’on arrive pas avec les modèles climatiquesqu’on a, ce sont des programmes informatiques qui permettent de prévoir la manière dont le climat va évoluer suivant des conditions données. Donc si on utilise ces modèles pour tester la manière dont la température va évoluer au cours du XXe siècle avec les données qu’on connait, la quantité de CO2 ou la quantité d’énergie solaire parce que ce sont des données qu’on a, et bien si on avait pas le forçage gaz à effet de serre, je veux simplement dire si on ne prend pas en compte l’effet des gaz à effet de serre, on n’arrive pas à voir cette augmentation de température qu’on a observée ces 40 dernières années. Les modèles arrivent à prédire cette augmentation seulement si on fait le forçage gaz à effet de serre, c’est à dire seulement si on prend en compte l’augmentation du CO2 dans ces modèles. Ca c’est vraiment un point super important pour dire aujourd’hui avec quasi certitude que l’origine du réchauffement climatique est anthropique. Peut-être que j’aurais aussi dû dire quelque part que depuis un siècle la température a augmenté, donc ça reste encore acceptable, on a eu une augmentation de 0,8°C durant le siècle, sauf qu’il y a quand même une accélération ces 40 dernières années qui est assez notable et qui peut être amplifiée donc pour donner une idée, chaque décennie depuis 40 ans a été plus chaude que la précédente. Donc les années 80  ont été plus chaudes que les années 70, les années 90 ont été plus chaudes que les années 80 etc. Je crois que depuis le XXIe siècle, j’ai dit que 2014 c’était l’année la plus chaude mais il y a eu, je ne sais plus, 10 années parmi les plus chaudes jamais enregistrées ont été calculées au XXIe siècle donc on a vraiment des indicateurs forts pour montrer que le réchauffement climatique a bien lieu, le fait qu’il y a un réchauffement climatique n’est même plus discutable en fait, c’est comme si on essayait de prétendre aujourd’hui que la terre n’est pas ronde. Ce sont des choses qui sont évidentes maintenant. L’origine anthropique c’est devenu évident depuis 20-30 ans, et on a de plus en plus de données pour vraiment dire que ça devient une quasi certitude. Je pense que j’ai fait un peu le tour là.

Julie : Oui je pense que tu as déjà balayé pas mal de sujets. Donc en fait tu disais qu’on a des indicateurs forts sur le réchauffement climatique, sur l’origine anthropique.

Nima : Oui peut-être que je peux également dire quelque chose sur les indices forts, on parle beaucoup de la température moyenne à la surface de la terre mais on a plein d’autres indicateurs de ce réchauffement climatique. Parce qu’il y a eu beaucoup de discussions ces 2-3 dernières années, les climatosceptiques ont dit qu’il y avait une pause, que le réchauffement s’est arrêté etc. Mais souvent ces climatosceptiques se basent sur cet indicateur de la température moyenne sur la surface de la terre mais en fait on a plein d’autres indicateurs du réchauffement climatique.Par exemple la montée des eaux est un indicateur du réchauffement climatique, pas seulement parce qu’il y a la fonte des glaces qui peut permettre de contribuer à la montée des eaux mais aussi à cause de la dilatation. La plupart des surplus d’énergie emmagasinés par la terre vont en fait dans les océans, et donc on mesure vraiment une montée des eaux dues à la dilatation du fait que les mers et océans se réchauffent.

Julie : Ca on le constate déjà ?

Nima : On le constate déjà oui, j’ai dû noter quelque part de combien ça augmente, alors c’est toujours assez faible, au cours du XXe siècle on est à 1,7mm par an, mais depuis 1993 la vitesse a un peu augmenté on est entre 2,8 et 3,6 mm par an, donc ça reste faible mais quand ça s’additionne d’année en année ça peut devenir conséquent surtout si le phénomène s’accélère.

Evolution du niveau global (moyen) de l’océan de 1992 à 2014.

Donc d’autres choses aussi, il n’y a pas que la montée des eaux, il y a aussi la couverture neigeuse observée qui baisse un peu sur toute la planète, les glaciers qui reculent,… On a différentes manières de calculer la température aussi, on a la température qui peut être calculée sur la surface de la terre mais on a aussi la température qui peut être calculée via les satellites par exemple, on a la banquise aussi sur l’Arctique,  on a la glace sur terre et la glace sur mer, la glace sur mer ça s’appelle la banquise et ça aussi ça recule, surtout en Arctique, on a vraiment un recul très fort de la banquise, surtout pendant l’été. Donc voilà on a plein d’indicateurs comme ça qui vont tous à peu près dans le même sens c’est à dire qu’ils concordent avec l’hypothèse d’un réchauffement climatique.

Source : The cryosphere today

Source : The Cryosphere Today

Julie : Ok. Donc je disais, on parlait des indicateurs, en fait si je ne dis pas de bêtises c’est en grande partie confirmé par les rapports du GIEC. Tu peux nous présenter ce qu’est le GIEC ? Le travail qu’il fait depuis plusieurs années ?

Nima : Oui, le GIEC c’est ce qu’on appelle le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. C’est à la fois un truc que je trouve moi extraordinaire mais aussi très décrié par justement les climatosceptiques principalement. Donc le GIEC a été créé à la demande de l’ONU et de certains pays en fait, ce n’est pas une académie des sciences ou un truc qu’on connaît ailleurs que pour le climat, ce n’est pas quelque chose qu’on a pour d’autres phénomènes scientifiques que le climat. Comme c’est parti d’une volonté un peu politique, le GIEC est souvent associé à une vision politique, alors qu’en fait le GIEC reste un organe où on évalue la science sur le climat, grosso modo le but du GIEC c’est ça. Tous les 5-6 ans il y a des experts qui se réunissent et qui font un bilan de toutes les recherches qui ont été faites sur le climat pendant une période donnée. Le dernier rapport du GIEC est paru entre 2013 et 2014, ça prend un peu de temps parce qu’il y a 3 rapports exactement qui sont donnés à chaque fois. Il y a un rapport qui est celui du groupe 1 du GIEC qui parle des bases scientifiques et physiques du changement climatique. Donc c’est le groupe le plus “scientifique” du GIEC, c’est l’équipe la plus proche de la “science dure”. Le groupe 2 du GIEC parle surtout des conséquences, d’adaptation et de la vulnérabilité aux changements climatiques donc il y a un peu plus d’incertitudes dans le groupe 2 et dans le groupe 3 on parle des solutions possibles et là on rentre peut-être dans un domaine un peu plus politique parce que quand on parle des solutions possibles on peut évidemment s’appuyer sur la science mais ça devient un peu plus compliqué d’être aussi rigoureux que dans d’autres domaines comme par exemple l’effet de serre dont on connait les mécanismes etc.

Changements Climatiques 2013 Les éléments scientifiques Contribution du Groupe de travail I au cinquième Rapport d'évaluation du GIEC

Changements Climatiques 2013
Les éléments scientifiques
Contribution du Groupe de travail I au cinquième Rapport d’évaluation du GIEC.

Le dernier rapport du groupe 1, j’ai noté, on en est à 2000 pages, j’en ai lues pas mal d’ailleurs de ces 2000 pages, et une analyse de 9000 publications scientifiques pour générer ce rapport, ce qui est absolument ahurissant quand on y pense. Donc ce sont des groupes de personnes, experts dans le domaine, qui se réunissent sur un sujet donné, parce que la particularité du climat, je vais encore faire un petit aparté, c’est que c’est un domaine extrêmement complexe, peut-être bien plus complexe que d’autres domaines d’ailleurs, parce que ça fait appel à des sciences vraiment différentes. Dans le climat on peut avoir des gens qui sont très orientés mathématiques, qui vont faire des modèles mathématiques, on peut avoir des gens qui sont dans la physique, qui vont travailler sur l’effet de serre, des trucs vraiment très spécifiques en physique. Il y a des gens qui vont travailler beaucoup plus sur la chimie, comment les nuages vont se modifier s’il y a des particules qui arrivent, il y a des gens qui vont être beaucoup plus dans les statistiques, l’analyse des statistiques, combien d’ouragans on va avoir dans 100 ans, quelle est la probabilité d’avoir plus d’ouragans ou des choses comme ça, donc c’est un domaine extrêmement large donc personne ne peut avoir une expertise complète sur le climat, c’est impossible. C’est vraiment très complexe. Donc c’est ça aussi qui explique pourquoi c’est si décrié quelque part, c’est qu’on peut facilement trouver un angle pour essayer d’attaquer les conclusions scientifiques sur le climat.

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Pour en revenir au GIEC, en gros il donne une vision de la science qui s’est faite ces dernières années sur le climat. Et depuis 88, je crois que ça a commencé en 88, il y a eu 25 rapports qui ont été écrits et à chaque fois il y a aussi ce qu’on appelle un “résumé aux décideurs” donc ça aussi ça crée pas mal la polémique. Donc à chaque fois qu’il y a un rapport il y a un résumé aux décideurs et ce un résumé aux décideurs est un résumé de ce qu’il y a dans le rapport, c’est normal, ça semble logique. Le seul truc avec ce résumé aux décideurs c’est que c’est destiné aux gouvernement et que les gouvernements ont droit à une rétroaction sur ce résumé aux décideurs. Alors rétroaction ce n’est peut-être pas un terme très joli mais ce que je veux dire c’est que les gouvernements ont le droit de venir modifier ce qui est écrit dans le résumé aux décideurs. Dit comme ça ça peut paraître choquant parce qu’on peut se dire “comment ça les politiques vont dire aux scientifiques ce qu’ils doivent dire” mais ce n’est pas tout à fait exact. C’est que les gouvernements ont la possibilité de modifier ce qu’il y a dans le résumé aux décideurs seulement s’ils arrivent à justifier par ce qu’il y a dans le rapport. C’est à dire que les gouvernements peuvent effectivement moduler des choses dans le résumé aux décideurs mais seulement s’ils arrivent à s’appuyer sur la littérature scientifique. Donc ce résumé aux décideurs a aussi été très critiqué par les climatosceptiques mais je crois que c’est encore une fois donner une mauvaise image de ce qu’est le GIEC, ce n’est pas un truc politique. Ce sont des scientifiques qui se regroupent, qui font un travail de synthèse de la littérature scientifique et qui essaient de communiquer au grand public et aux politiques de la manière la plus claire possible. Si les politiques veulent venir changer ce qu’il y a dans le rapport ils doivent s’appuyer sur la littérature scientifique, ils ne peuvent pas le faire n’importe comment, ça c’est vraiment un élément important à expliquer. Il y a une interview d’un scientifique qui a participé au rapport du GIEC sur le site de Sylvestre Huet, Science au carré, sur son blog il y a un article qui est très intéressant, une interview de quelqu’un qui a participé au dernier rapport du GIEC et qui  explique comment ça marche et c’est vraiment fascinant le travail qu’il y a derrière ces synthèses.

Courbe des températures dite en forme de « crosse de hockey ».
Source : Klaus Bitterman.

Il y a eu plusieurs scandales avec le GIEC, il y a eu ce qu’on a appelé “la crosse de hockey“, je ne sais pas si vous voyez ce que c’est, c’est cette courbe des températures qui a été très popularisée, où on voit sur je ne sais plus, 2000 – 3000 ans ou 1500 ans, on voit les températures qui suivent une ligne à peu près horizontale et qui tout à coup au XXe siècle explosent et montent de manière très rapide, donc ça ressemble à une crosse de hockey, un peu à l’envers, donc ça a été appelé comme ça et ça, ça a créé la première polémique, en tout cas une des grosses polémiques du GIEC parce qu’on a accusé les scientifiques qui avaient fait ce graphique d’avoir fait des erreurs dans la courbe. Effectivement il y a peut-être des choses qui n’allaient pas mais c’était la première fois qu’on recréait l’évolution des températures sur 1500 ans, parce qu’il faut quand même se souvenir qu’on commence à mesurer les températures à la fin du XIXe siècle. Donc c’est assez récent, donc comment est-ce qu’on remonte aussi loin dans le temps ? Il y a plusieurs techniques possibles, en anglais on dit “par proxy”, je ne sais pas si ça se dit en français, on utilise des éléments autres pour trouver des éléments dans le passé. Donc quand je dis on utilise des éléments autres c’est par exemple on va faire des carottes glaciaires là comme j’ai dit tout à l’heure puis on va regarder quelle était la composition de l’atmosphère, plus on va profond dans la glace plus on remonte dans le temps finalement. Dans les océans on peut prendre des couches de sédiments, quand on creuse dans des couches comme ça on peut remonter l’historique du passé de la terre. Donc le dépôt des sédiments nous donne des informations sur quelles sortes d’animaux vivaient à cette époque là. C’est vraiment un travail d’historien, d’enquêteur en fait, ça doit être assez fascinant je pense, ça s’appelle la paléoclimatologie, c’est vraiment un travail de détective, il y a beaucoup d’incertitudes parce qu’on a pas de mesures et puis on essaie de déduire une température par rapport à des données qui sont très disparates. On a réussi à reconstruire la température sur de longues années comme ça et cette crosse de hockey qui a un peu fait  la une des médias pendant longtemps a été très critiquée par les climatosceptiques, parfois à juste titre sur certaines choses. Mais ce qu’ils oublient de dire c’est que cette courbe a été confirmée une dizaine de fois par la suite avec d’autres méthodes, avec d’autres données, avec bien plus de données. Donc il y a une dizaine de publications qui ont confirmé cette impression qui n’était du coup pas fausse, les températures ont oscillé par le passé mais aujourd’hui vraiment elles ont fait un bond dramatique, de manière très brutale au XXe siècle. Ca c’était vraiment la première grosse polémique du GIEC.

Une autre grosse polémique du GIEC c’est ce qu’on appelle le Climategate, je ne sais pas comment ça se dit en français exactement mais il y a eu il y a quelques années de ça des e-mails qui ont été hackés par certaines personnes, désolé d’employer des mots anglais, des e-mails qui ont été récupérés, des e-mails de qui ? Des e-mails de gens qui travaillent dans le GIEC, qui étaient en train d’écrire le rapport et donc ces e-mails étaient sensés montrer que les scientifiques étaient en train de trafiquer leurs données pour justifier un réchauffement climatique, donc ça a un peu fait la une des journaux, on en a beaucoup parlé, on prétendait que les scientifiques avaient truqué les données pour montrer une augmentation encore plus forte des températures etc., mais en fait c’était simplement des échanges entre scientifiques pendant l’écriture d’un rapport, ce n’était pas du tout une version finale, et généralement ça discute, ça change, c’est le processus de toute science quoi. Et ça, ça a contribué beaucoup aussi à dégrader l’image du GIEC qui n’avait pas besoin de ça. Mais peut-être que du coup, en parlant du GIEC, et tu m’arrêtes si je parle trop longtemps, qu’on arrive à cette idée, dont on parlait tout à l’heure, c’est que le réchauffement climatique c’est un consensus scientifique.

Ce que disait Nicolas en début de podcast est finalement tout à fait vrai, finalement je ne parle que quand je suis certain que les scientifiques sont sûrs entre eux. Ben là c’est vraiment le cas, il y a vraiment un consensus et les rapports du GIEC, donc les 5 rapports dont je vous parlais vont tous dans le même sens. C’est à dire que, ce n’est pas qu’ils vont dans le même, c’est que tous confirment de plus en plus ce qu’on savait déjà, c’est à dire que le réchauffement est principalement dû à l’activité humaine sur ces 40 dernières années. Le consensus ce n’est pas que le GIEC, parce que ça les gens ont du mal aussi avec cette idée, ce n’est pas que le GIEC nous dit qu’il y a un consensus scientifique, ce ne sont pas que les rapports du GIEC, ce sont plein d’autres choses. Il n’y a pas une seule organisation scientifique nationale dans le monde qui rejette cette idée de l’origine anthropique du réchauffement climatique qu’on observe. Donc ça c’est vraiment quelque chose de très fort, on a toutes ces agences nationales scientifiques qui vont dans le même sens, on a ce GIEC qui tous les 5 ans fait des analyses considérables de la littérature scientifique toujours dans un sens qui est identique, de l’origine anthropique de ce réchauffement climatique. On n’a pas que ça, au niveau du consensus c’est peut-être le domaine où on est le plus sûr parce qu’on a aussi des articles publiés dans des revues scientifiques, à comité de lecture, donc des revues scientifiques réputées, qui analysent ce consensus et montrent qu’il y a consensus. C’est assez rare de publier des articles pour montrer qu’il y a des consensus mais là c’est vraiment le cas pour le climat, parce que c’est un sujet tellement sensible et tellement important aussi. Donc par exemple il y a plusieurs articles qui montrent de manières différentes que plus de 90% des climatologues, des gens experts sur le climat, vont dans le sens justement d’une origine anthropique du réchauffement climatique. Donc j’avais noté, plus de 12.000 articles récupérés dans des bases de données, entre 1991 et 2013, parmi ces 12.000 articles, les auteurs de cette analyse ont lu tous les résumés de ces articles, les abstracts, c’est comme ça qu’on appelle ce qu’il y a au début d’un article. 

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Parmi ces résumés au début des articles, il y en a 4000 qui prennent position pour une origine anthropique du réchauffement climatique, donc c’est à peu près 1/3, parmi ceux qui prennent position, on a 97% qui prennent position pour une origine anthropique. Et ça, ça a été fait dans cette étude mais ça a été fait aussi en demandant directement aux scientifiques concernés ce qu’ils en pensaient, ça a été fait aussi par d’autres méthodes, donc on a plusieurs articles publiés comme ça pour montrer qu’il y a un consensus scientifique parmi les climatologues et ça c’est très intéressant…

Nico : Juste pour relever ce que tu dis, pour insister encore, ça c’est un élément assez important quand on entend des débats à la télé ou à la radio etc. C’est que très souvent les contradicteurs qu’on peut voir ne sont justement pas des spécialistes.

Nima : Oui, tu as raison ! Ce que je voulais dire avec ce consensus, ça revient un peu à ton idée, quand on fait la même chose avec le grand public, et ben l’image qu’a le grand public du consensus scientifique est complètement faussée.

Source : sondage BBC/Populus 2010. Infographie Bruno Belorgey.

C’est à dire que le grand public pense qu’il y a débat, il pense que les scientifiques ne sont d’accord entre eux, il pense, en gros je crois que j’avais lu, 50% ou je ne sais plus, 30% des gens pensent qu’il y a un consensus scientifique, il faudrait que je vérifie, je ne suis plus tout à fait sûr du chiffre. Mais en tout cas l’image est complètement inverse, pour le grand public il y a débat, pourquoi est-ce qu’il pense qu’il y a débat, notamment à cause du traitement médiatique de ces consensus scientifiques, parce que, comme on en a déjà parlé souvent, pour les vaccins c’est pareil, pour d’autres phénomènes c’est pareil, les OGM par exemple. Dans les médias on veut toujours donner une vision noire et blanche, pour/contre, oui/non, pour que ça fasse un peu le buzz, pour que ça fritte, pour que ça fasse un peu de l’audience, donc on donne autant la parole finalement aux climatosceptiques, qu’aux scientifiques, et parfois même plus aux climatosceptiques parce qu’ils sont peut-être grandes gueules, peut-être plus médiatiques justement, ou qu’ils font parler plus d’eux parce qu’ils disent des choses choquantes, donc du coup il y a vraiment un décalage des forces. Dans la communauté scientifique il n’y a quasiment plus de doutes et de discussions, et dans la communauté médiatique, ou chez les gens qui ne sont pas dans les milieux scientifiques et bien il y a vraiment des questionnements, un débat, une réflexion, sur la véracité de l’origine de ce réchauffement qui serait anthropique ou non, qui existent et qui ne devraient pas exister.

Julie : Ah c’est très intéressant. Du coup je t’ai pas interrompu mais je voudrais revenir pour une petite question sur le GIEC, bon tu l’as précisé je pense, mais c’est une organisation internationale ? Il y a je pense, presque toutes les nations, ça représente beaucoup de chercheurs qui étudient des publications

Nima : Ils ne font pas de recherche.

Julie : Eux-mêmes ne font pas de recherches mais par contre ils étudient tous les sujets de recherche qui se rapportent au climat ?

Nima : C’est ça oui.

Julie : Et eux-même sont très représentatifs de la communauté scientifique ?

Nima : Oui, les gens qui vont écrire ces rapports sont généralement des experts de leurs domaines, et donc si on lit l’article dont je parlais sur le site de Huet, ces gens-là ils ne sont pas une dizaine juste à écrire leur rapport et puis à l’envoyer à tout le monde, ils écrivent un premier rapport et là il y a des reviewers, c’est quoi les reviewers, ce sont des gens qui relisent ce rapport, et là il y en a des centaines et quasiment n’importe qui peut aujourd’hui reviewer ces rapports. Ces reviewers envoient des critiques et donc les dizaines de personnes qui travaillent sur une des thématiques du rapport final, sont obligés de répondre à toutes les critiques. Donc c’est une machine qui est un peu infernale, qui prend énormément de temps, mais qui est du coup d’une robustesse extraordinaire, c’est à dire qu’on ne peut pas écrire n’importe quoi dans un rapport comme ça, c’est pas possible.

Julie : Chaque groupe c’est combien de personnes ?

Nima : Ben je crois que chaque thématique il y a peut-être une dizaine de personnes, de toute façon des experts il n’y en a pas non plus 500.000 dans chaque domaine donné, donc voilà ce sont des petits nombres. Mais après il y a une relecture par vraiment des centaines de personnes et des aller-retours entre ces petits groupes et une communauté plus grande qui peut donner son avis.

Nico : Pour revenir sur les histoires de consensus et de vision dans les médias. Autant il y a un consensus sur le constat qu’il y a un réchauffement, il y a un consensus sur le fait que l’humain a une responsabilité là dedans, par contre sur les conséquences d’un tel réchauffement climatique, est-ce qu’il y a un consensus ou est-ce qu’il y a plusieurs avis contradictoires sur ce que ça peut amener comme conséquences ?

Nima : Ben il y a des choses qui sont plus ou moins connues et des choses qui sont plus ou moins discutées ou pas tout à fait sûres. Dans le dernier rapport du GIEC, là je parle du groupe 1, à chaque fois qu’ils parlent d’une conséquence, ils mettent une probabilité, la confiance qu’ils ont dans ce qu’ils avancent. Par exemple sur les épisodes extrêmes du climat, donc comme tu disais tout à l’heure, le cyclone qu’il y a eu aujourd’hui, est-ce que c’est dû au réchauffement climatique. On pense, on a de bonnes raisons de penser que des cyclones de plus en plus extrêmes vont être de plus en plus présents. Mais on n’est pas certain, sûr à 100% que ça va être le cas. Sur l’augmentation du niveau des mers c’est quasiment certain, il faut prendre chaque élément séparément, et à chaque élément est associé une certitude ou une incertitude par rapport à la possibilité pour cet évènement d’avoir lieu ou non. Je ne sais pas si j’ai été très clair. Oui si ça va ?

Julie : Oui oui, et ça évolue à chaque rapport je crois, ils revoient leur indice de confiance sur chaque élément ?

Nima : Bien sûr, les modèles avançant, ils deviennent plus performants donc effectivement à mesure qu’on avance on a aussi plus de données… Par exemple depuis 2005, c’est assez récent, on a des bouées, on a un système, le système Argos, qui récupère la température dans les océans à des profondeurs différentes, et qu’on n’avait pas avant. Donc ça nous permet aussi de voir les mouvements océaniques, la température de l’océan, l’acidité, etc, ça nous permet d’avoir des données qu’on n’avait pas avant, du coup des modèles qui peuvent devenir plus précis, du coup des estimations qui peuvent être un peu plus précises. Donc ça c’est sûr, ça évolue.

Julie : Ok, je ne sais pas, les autres vous avez des questions ou on enchaîne ?

Nico : Il y avait des questions dans la chatroom je ne sais pas si on les pose maintenant ou si on attend un peu ?

Julie : Je vais enchaîner avec ce qu’on a pour l’instant puis tu remontes les questions de la chatroom ?

Nico : Oui.

Julie : On en a déjà discuté mais on va revoir un petit peu quelques arguments des climatosceptiques et que tu nous expliques pourquoi ça ne réfute pas la théorie du changement climatique.

Climat-météo tu en as déjà bien parlé, je ne sais pas si tu veux ajouter quelque chose ?

Robin : Je me permets juste une toute petite intervention pour de l’auto-promo, j’en avais parlé relativement longuement dans l’épisode sur le chaos puisque c’est exactement ça le sujet. C’est à dire qu’en gros un système chaotique, et la météo tout porte à croire que ce soit un système chaotique, le principe c’est qu’on ne peut rien dire sur le moyen terme et le long terme, c’est à dire qu’on ne sait pas ce qu’il va passer demain, après-demain etc, en revanche on peut dire quelque chose sur le très long terme dans le sens ou si l’expérience est répétée un grand nombre de fois on peut donner un résultat statistique. C’est un peu le pile ou face, je ne peux rien dire sur le lancer qui va venir mais par contre je sais que si je joue mille fois je sais à peu près ce que j’aurai.

Nima : Ouais merci ouais. C’est exactement ça.

Julie : Il a bien résumé.

Nima : Ouais, bien résumé.

Julie : Ok donc on va passer à un deuxième argument, alors c’est un graph qu’on voit souvent, tu en as parlé sur ton blog, qui montre que si on regarde, la température est stable sur une période de temps. Est-ce que tu pourrais nous expliquer pourquoi ça ne reflète pas la réalité ?

Nima : C’est ce qu’on a dit au début effectivement quand on a parlé du climat et du fait qu’on regardait des moyennes et surtout qu’on regardait sur des périodes assez longues. Comme ça oscille souvent naturellement de manière assez grande d’une année sur l’autre, notamment la température moyenne, ou quand on regarde aussi des courbes, par exemple en Arctique quand on regarde la couverture de la glace sur mer, d’une année sur l’autre ça va être plus ou moins grand, plus ou moins petit et ça bouge quand même pas mal. Donc par exemple je crois que récemment ça a de nouveau augmenté, il y a deux ans c’était encore très bas, donc voilà, ça oscille pas mal donc on a vraiment des courbes qui oscillent pas mal comme ça. Donc c’est très facile en fait de choisir deux points sur une courbe donnée et de dire “AH vous voyez, de ce point là à ce point là ça ne bouge pas, donc il n’y a pas réchauffement, ou il n’y a rien qui se passe, ou on nous a menti, etc”. Donc ça c’est très très classique comme phénomène mais en fait ce qu’il faut regarder c’est vraiment une évolution sur le long terme, et à chaque fois qu’on regarde les évolutions sur le long terme, c’est beaucoup plus difficile de nier l’augmentation de la température ou d’autres indicateurs qu’on a signalés un peu plus tôt.

Un truc classique par exemple et je crois que tu voulais en parler un peu plus tard mais, un truc classique c’est, depuis quelques années on entend “oh ben le réchauffement climatique il y a une pause depuis 1998, ça s’est pas réchauffé”, et on montre une courbe ou un ligne qui part de 1998 jusqu’à 2012 par exemple ou 2013 en disant vous voyez c’est une ligne droite. Et puis effectivement on a des oscillations qui se font autour de cette ligne au niveau de la température, quand on ne connait pas vraiment on se dit “ben oui ça ça n’a pas l’air de beaucoup bouger”. Donc d’une part il y a un site qui a mis en image ce phénomène de manière assez ludique, je vais essayer de le mettre sur la chatroom, pour que les gens voient ce graphique, mais je pense que pour la plupart d’entre vous vous l’avez peut-être déjà vu.

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D’une part il y a ce graphique qui est très intéressant à regarder mais évidemment à l’oral ça ne passe pas, et d’autre part il faut comprendre que 1998 est une année qui est choisie non pas au hasard, c’est une année qui a été extrêmement chaude pour une raison particulière, c’est qu’il y a eu un phénomène climatique assez particulier cette année là qui est un mouvement océanique au niveau du pacifique qui s’appelle El Nino. Ce mouvement en particulier contribue à un réchauffement et donc cette année 1998 a été exceptionnellement chaude par rapport à ce qu’on attendait habituellement. Donc on prend une mesure où on est tout d’un coup hors de la norme puis de cette mesure là on dit “regardez vous voyez ça n’a pas bougé, oh c’est la pause, ça fait quinze ans que c’est la pause, on nous ment etc.” en fait, quand on prend l’année 97 tout de suite on voit l’augmentation, même aujourd’hui avec les années qui ont augmenté, 2014 même en partant de 1998 on a une légère augmentation de la température, même si c’est vrai que ces 10 dernières années, la vitesse d’augmentation de la température a un peu diminué. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de réchauffement du coup mais simplement que c’est un peu plus lent sur ces 10 dernières années.

Julie : Ok, il y a aussi pas mal de critiques je crois aussi au niveau des modèles.

Nima : Ouais, ouais, les modèles c’est vraiment…

Julie : LE gros sujet ?

Nima : Je ne sais pas pourquoi tant de haine, ça pourrait être la quote de la semaine.

Nico : Enfin non, quand même, sur les modèles, j’imagine que tu vas en parler, mais ça fait partie des objets de science appliquée les plus complexes, les modèles de climat !

Nima : Oui !

Nico : Et du coup, c’est sûr que quand on a une boîte, je ne vais pas dire boîte noire parce que ce serait un peu abusif, mais qu’on a une boîte d’une telle complexité, et ça a été démontré dans certains cas, c’est pas évident. On peut des fois se demander si on est en train de regarder ce que provoque cette boîte ou si on est en train de regarder vraiment ce qu’on est en train d’analyser. Ca parait sain comme raisonnement, après ils essaient de s’améliorer, ils essaient de faire du contradictoire etc, je ne dis pas que la démarche est mauvaise. Mais je trouve que la critique de base qui consiste à dire “on quand même des trucs sacrément compliqués” n’est pas dénuée de sens.

Nima : Non, mais quand on voit que ces mêmes modèles arrivent à vraiment tracer l’évolution de la température tout au long du XXe siècle de manière très très fidèle à ce qu’on observe, ben on se dit qu’à un moment donné il ne faut pas déconner. On ne peut pas tout d’un coup tout rejeter parce que sur dix années on est un peu plus haut que la normale parce que ces dix dernières années les modèles ont estimé un réchauffement un peu plus haut que ce qu’on [a constaté], et du coup voilà parce qu’il y a un petit écart on va tout abandonner alors que les modèles ont fait leur preuve pendant toute une période et font encore leurs preuves. On n’est pas obligé d’appliquer les modèles simplement sur les températures globales sur la terre entière On applique aussi des modèles sur certaines régions, sur les précipitations etc. Et là on a parfois très rapidement la possibilité de regarder si le modèle concorde avec la réalité sur des périodes un peu plus courtes ou sur des régions un peu plus petites donc c’est plus facile à mesurer etc. Donc sur les modèles, c’est pas n’importe quoi, ça part des phénomènes physiques qui sont modélisés, et à partir de ces phénomènes physiques qui sont modélisés, on a rajouté de la complexité pour que les modèles deviennent de plus en plus fidèles. Donc par exemple aujourd’hui on a des modèles qui font un maillage de la terre, pour être au plus près, je ne sais plus, je crois que j’en avais parlé sur mon blog, je crois que ce sont des maillages de 30km, il faudrait que je regarde exactement ce que j’ai mis. Donc pour être au plus fidèle de sur quelle zone on aura de la glace, ou des océans, parce que du coup si on a de la glace, ou des océans, ou de la forêt, ben le dégagement au niveau solaire, la réflexion au niveau solaire va être différente, si on est proche d’un volcan, des dégagements de CO2, ou proche d’une industrie, les dégagements de CO2 seront différents etc. Donc on a vraiment, bien sûr ça devient de plus en plus compliqué, mais aussi de plus en plus fidèle à la réalité. Et on vérifie que ces modèles sont efficaces, parce que quand on a par exemple des éruptions volcaniques très importantes comme il y en a eu par exemple dans les années 90. On voit que les modèles arrivent justement, quand on a des éruptions volcaniques généralement la température baisse, quand on voit cette baisse dans les modèles qui suivent justement ces éruptions volcaniques, on se dit bah oui, le modèle fonctionne bien. Je pense que sur les modèles c’est une attaque un peu facile mais certainement pas justifiée.

Nico: Alors du coup pour continuer sur les critiques classiques mainstream, je vais me faire l’écho de ce que j’entends parce que moi je les analyse comme des arguments qui ne me paraissent pas stupides donc tu auras sans doute des réponses à ça. C’est une autre critique qu’on entend beaucoup sur les modèles c’est le problème des données, des données initiales en particulier, où ça ne fait pas très longtemps finalement qu’on a beaucoup de données sur le climat par rapport à l’échelle climatique. Alors moi ce sont des ouï-dires dont je parle, je ne me base sur aucune source mais j’imagine que tu as des choses à nous dire là dessus ?

Julie : Il en a parlé en fait.

Nima : Ben oui un peu, on a quand même en terme de données, c’est vrai qu’on en a de plus en plus en fait.

Nico : Oui ben ça…

Nima : Le système Argos dont j’ai parlé et qui est dans la mer depuis 2005. Ce qu’on peut peut-être dire c’est que la plupart des gens pensent que le climat c’est juste les modèles, alors qu’en fait le climat à la base c’est pleins d’observations, et après viennent des modèles qui permettent de prédire des choses et en déduire des conséquences politiques, stratégiques, économiques. Mais à la base le climat c’est vraiment plein de données d’observations. Donc on a toutes les températures, au sol, dans les stations, sur les bateaux par exemple, on a tout le système paléoclimatique où on arrive à trouver plein de données qui nous permettent de remonter dans l’histoire pour savoir ce qu’il s’est passé précédemment. On a les satellites maintenant depuis 40 ans qui nous permettent d’avoir des données en plus, par exemple avec les satellites on peut mettre en évidence la troposphère, la partie basse de l’atmosphère, et donc comme il y a l’effet de serre, ben normalement on s’attend à ce que la partie basse de l’atmosphère se réchauffe et que la partie haute de l’atmosphère se refroidisse. Contrairement à ce qu’on attendrait si c’était le soleil qui réchauffait la planète, si c’était le soleil qui chauffait la planète on aurait une augmentation de la température de la partie basse de l’atmosphère mais aussi au niveau haut de l’atmosphère. Ce qu’on observe avec les satellites c’est vraiment une augmentation de la température au niveau de la partie basse de l’atmosphère, qui concorde exactement avec ce qu’on pense de l’effet de serre et ce qu’on observe aujourd’hui avec l’augmentation du CO2. Donc voilà, c’est une masse de données considérable qu’on a, et quelque part tu as raison, il y en a beaucoup plus maintenant, mais les modèles c’est vraiment un petit point dans la climatologie qui est avant tout une science basée sur des faits réels. D’ailleurs sur cette histoire de modèles et puisque je parlais des satellites et ben figure toi qu’il n’y a pas si longtemps de ça, les satellites, je ne pourrais pas vraiment bien expliquer les problèmes scientifiques derrière, mais les satellites montraient qu’il y avait un refroidissement de la troposphère, donc cette couche basse de l’atmosphère. Et donc ça faisait grand plaisir à nos amis climatosceptiques qui disaient “ah vous voyez ça contredit le réchauffement climatique, ça contredit l’idée de l’effet de serre, etc”. Ca contredisait les modèles aussi, parce que les modèles prévoyaient un réchauffement de cette troposphère. On avait deux solutions, soit on réajustait les modèles, soit il y avait un problème ailleurs. Et bien il se trouve qu’on a fait confiance aux modèles et on s’est rendu compte qu’il y avait une erreur dans la manière dont on mesurait la température de la troposphère via les satellites, et donc il y a un correctif qui a été fait et du coup on trouve bien un réchauffement par les mesures de satellite de cette troposphère, qui concorde du coup avec les modèles. Comme quoi parfois les modèles peuvent nous servir à ajuster nos mesures, c’est dire qu’ils sont quand même intéressant à étudier. Ca va je n’ai perdu personne ?

Julie : Non non c’est intéressant.

Nico : Au delà d’intéressant à étudier finalement c’est tout ce qu’on a aujourd’hui, enfin on n’a pas mieux finalement, on aurait plus simple et plus efficace on l’utiliserait quoi, c’est pas pour le plaisir.

Nima : Aussi oui, tu as raison oui.

Julie : Ok, ben je vous propose qu’on passe aux questions des auditeurs parce que bon ils vont balayer à peu près le reste de ce que j’avais préparé.

Nico : Ouais on a tout plein de questions d’auditeurs, tu veux les lire ou, fin comme tu veux.

Julie : On va se relayer. Alors on a une première question de Stéphanie qui demande : pour toi quels sont les enjeux majeurs de la COP de Paris en décembre ?

Mais tu nous en as parlé non ?

Nima : Non, elle parle de la conférence qui va avoir lieu à Paris en 2015 là c’est ça ?

Julie : Oui, tu nous en avais parlé avant l’émission en fait, c’est ça.

Nima : Peut-être, non je crois que je t’en avais parlé par mail en te disant “ce serait bien qu’on fasse un truc spécial,…”

Julie : Nous on voulait que tu en parles maintenant [rires]

Nima : Un truc qui cartonne en décembre 2015…

Julie : Ca nous empêche pas d’en parler en décembre 2015 !

logo COP 21

Nima : Et ben écoute, c’était quoi la question, quels sont les enjeux majeurs, ben là je vais parler en mon nom, enfin je parlais en mon nom avant mais je m’appuyais sur une base scientifique, là je parle simplement pour moi. Les enjeux majeurs c’est comment réduire les émissions de gaz à effet de serre et comment faire en sorte qu’on arrête de réchauffer cette planète. Parce que c’est pas seulement, on menace les hommes mais on menace aussi plein d’espèces d’animaux. Par exemple j’en ai pas parlé mais à mesure que le taux de CO2 augmente, il y a une absorption plus grande de ce CO2 dans les océans, du coup les océans s’acidifientet en s’acidifiant il y a des espèces de crustacés qui peuvent du coup être menacées, si le pH de l’eau diminue trop il y a plein d’espèces qui peuvent disparaître, sans parler des ours polaires qui ont été très popularisés aussi. Mais voilà, il n’y a pas que l’homme, l’homme c’est très important, parce qu’il y a aussi le niveau des mers qui monte, les ouragans, les épisodes de plus en plus intenses qui vont peut-être se produire, les problèmes au niveau de l’agriculture peut-être si on a des périodes de sécheresse qui deviennent difficiles etc. Donc je pense qu’on a vraiment tout intérêt effectivement à communiquer sur le problème du climat, à faire en sorte que les gens prennent conscience de ce problème. Je voulais d’ailleurs un peu parler de ça, je voulais faire une émission courte mais il faut me retenir parce qu’après je vais partir.

Julie : On a essayé !

Nima : Non mais je vais tenir mieux que pour les médecines alternatives. Sinon on va finir dans deux heures. Et donc oui ce qui m’intéressait, c’est que j’avais trouvé des trucs sur pourquoi les gens refusent ou n’agissent pas pour le réchauffement climatique ou ne prennent pas conscience du problème qu’est le réchauffement climatique. Et un des problèmes qui est pointé par certains psychologues c’est la réaction qu’on a face à la peur. Donc on réagit plus fortement quand la peur nous touche personnellement, ça c’est quelque chose qu’on peut toujours concevoir facilement. Quand la peur vient rapidement aussi on a toujours beaucoup plus peur que quand elle est lointaine, quand elle est immédiate qu’elle n’est pas morale ça va nous toucher plus aussi que dans la situation inverse. Donc dans le cas du climat c’est tout le contraire, c’est quelque chose qui vient lentement, on parle toujours du problème climatique au futur, on dit “les générations futures vont en souffrir” alors qu’en fait on en souffre déjà nous, on en souffre déjà, on voit déjà des conséquences même si on ne peut pas dire exactement que c’est le réchauffement climatique mais on voit déjà des conséquences qui semblent être très probablement dues à ce réchauffement climatique. Donc cette perception du risque qui est un peu faussée, ça permet de nous dire “bon ben on a du temps” ou “on va voir ce qu’il va se passer” ou “on oublie quoi”. On préfère ne pas y penser, donc voilà cette notion du risque je pense qu’elle est très importante et comme on analyse mal ce risque parce qu’il y  a deux hypothèses, l’hypothèse évolutionniste en disant c’est assez récent pour le cerveau, on a vécu pendant des millions d’années sous forme de tribus avec des dangers qui étaient très proches de nous et qui étaient assez immédiats et donc c’est assez récent qu’on est dans une société où on n’a pas de danger tels qu’on  pu le connaître il y a cent mille ans ou un million d’années. Donc notre cerveau aurait évolué pour optimiser ces dangers immédiats et minimiser les dangers petits et faibles qui arrivent de manière lointaine quoi. Bon je ne sais pas si c’est vraiment une hypothèse qui a été vérifiée mais c’est souvent avancé pour expliquer ce [type de comportements].

Nico : C’est vrai que de toute façon le réflexe qu’on a un peu tous, le réflexe de base quand on entend parler de réchauffement climatique ou quand on entend parler de “ça va augmenter de 2-3°C c’est le drame”, on dit “ouais ‘fin moi cet hiver j’ai eu froid et 3 degrés c’est pas grand chose quoi”, il y a à la fois cet effet dont tu parles, c’est que c’est très long terme et puis en plus quand il y a deux degrés de plus un été on ne se dit pas que ça va tout changer etc. C’est juste qu’au niveau climat ça change beaucoup de choses.

Nima : Oui et surtout qu’on confonde, parce que quand on dit 2 degrés de plus en moyenne, ça veut dire qu’il y a certains endroits où ilva y avoir peut-être plus 10°C ou certains endroits où il va peut-être y avoir moins 10°C, c’est à dire que localement ça peut être complètement différent. Pour donner aussi une autre idée, je vais m’arrêter là, c’est que je crois que la différence entre période glaciaire et période interglaciaire c’est genre plus ou moins 5 degrés.

Augmentation de la température moyenne terrestre, par rapport à la latitude et à la moyenne des températures sur la période 1951-1980. Source : NASA
 

Augmentation de la température moyenne terrestre, par rapport à la latitude et à la moyenne des températures sur la période 1951-1980.
Source : NASA

Julie : Donc c’est énorme.

Nima : C’est énorme.

Nico : Donc c’est énorme. Et alors justement, sur ces histoires de degrés, un truc qu’on entend souvent, enfin en particulier sur le GIEC depuis plusieurs rapports, c’est cette histoire de “il est nécessaire de rester à une augmentation de +2° max”, c’est une question là de Stéphanie qu’on a là dessus, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus, parce que c’est vrai qu’on en entend beaucoup parler, on a l’impression que le GIEC disait chaque année “il ne faut surtout pas dépasser ça” et là je crois que dans le dernier rapport ils ont plus ou moins dit c’est foutu. Alors c’est quoi cette histoire de limite ? C’est de la communication ou il y a quelque chose de fondé derrière ?

Nima : On parle souvent de ce qu’on appelle la sensibilité du climat, peut-être que je ne vais pas tout à fait répondre à la question, mais la sensibilité du climat c’est de combien la température va augmenter pour un doublement du CO2 dans l’atmosphère. Et donc je pense que ce plus 2°C c’est souvent en référence à cette sensibilité du climat. Donc si on reste, je crois que si on reste tel qu’on est aujourd’hui, on s’attend à avoir une augmentation de plus 2°C au niveau du climat. Et si on augmente la quantité de  CO2 de manière importante je pense qu’on va dépasser ce plus 2°C. Voilà, je ne sais pas trop quoi d’autre répondre. Je crois que le plus 2°C vient de là quoi.

Scénarios et augmentation des températures en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Source : GIEC

Scénarios et augmentation des températures en fonction des émissions de gaz à effet de serre.
Source : GIEC

Julie : En fait, moi je ne me rappelle pas exactement des scénarios du GIEC mais en gros c’était d’arriver à maintenir cette augmentation là pour ne pas tomber dans un scénario “catastrophe”. C’était “on tente le moins pire”.

Robin : A priori si ça se réchauffe trop ça va s’auto-entretenir en plus, enfin s’accélérer. Avec lepermafrost , des machins comme ça.

Nima : Oui il y a des retours qui sont très vicieux, qui accentuent le phénomène. Parce que plus il fait chaud par exemple plus l’air peut emmagasiner de l’humidité, c’est pour ça que par exemple l’été on peut avoir beaucoup d’humidité dans l’air, et comme l’eau c’est un gaz à effet de serre aux conséquences encore plus dramatiques que le  CO2, et bien ça contribue encore plus à réchauffer, donc il y a déjà ce phénomène là. Si ça se réchauffe il y a les glaciers qui vont fondre et donc la réflexivité de la terre va diminuer donc la terre va emmagasiner encore plus d’énergie solaire donc ça va encore réchauffer. Donc voilà il y a des actions comme ça qui effectivement font emballer le système. Alors évidemment ça pose un problème conséquent pour la suite quoi.

Julie : On a une question de Jean-Phi qui demande est-ce vrai que le méthane émis par les bovins a une influence sur le climat ou est-ce une idée reçue ?.

Nima : Non non c’est vrai, le méthane c’est effectivement un gaz à effet de serre oui. Je fais court [rires]

Julie : Oui, très bien.

Nima : Non non oui oui c’est pas une idée reçue c’est effectivement un problème.

Julie : C’est un problème ok.

Nico : Après on a notre cher économiste qui est passé et qui vient de nous poser une question plutôt politique, je ne sais pas si tu vas avoir grand chose à dire là dessus. C’est un sujet qui fait surtout débat dans le grand public et chez les politiques mais pas trop chez les experts c’est lataxe-carbone et/ou le marché des droits à polluer pour réduire les émissions, je ne sais pas si tu as un mot à dire là dessus ou si c’est pas ton domaine.

Nima : J’aurais un mot à dire en tant que nourri à l’extrême gauche depuis quinze ans quoi, mais, après c’est mon opinion personnelle, on monnaie la possibilité aux grandes entreprises de polluer en fait. Ce que je trouve personnellement scandaleux. Donc on arrive finalement à ce que tout devienne marchandise et polluer devient une marchandise. Déjà je pense qu’on a donné tellement de quotas que finalement les mecs ils peuvent polluer autant qu’ils veulent il n’y a aucun problème et en plus ils peuvent racheter des quotas à d’autres pour polluer encore plus. Je crois que c’était vraiment la pire idée qu’on pouvait avoir. Ca donnait peut-être une impression de se sentir un peu bien moralement dans sa tête pour se dire tiens on a fait quelque chose pour le climat mais en fait les vraies décisions politiques elles ne sont pas prises parce qu’on ne veut pas aller à l’encontre des intérêts économiques des grands groupes industriels. Il y a un livre qui faut lire si on veut partir dans les domaines politiques et les problèmes avec les scientifiques qui dénigrent justement l’origine anthropique du réchauffement climatique c’est le livre de Oreskes, peut-être que vous vouliez en parler aussi c’est Les Marchands de doutes je crois que ça s’appelle en français. C’est un livre à lire qui montre comment certains groupes industriels ont financé des scientifiques pour dénigrer les connaissances scientifiques du moment et permettre justement à ces grandes entreprises de continuer leurs politiques de “pollution”.

Nico : Bon on rappelle malgré tout comme tu le disais au début que c’est une opinion politique, il y a mine de rien d’autres opinions sur le sujet, on n’est pas un podcast de politique. Non mais je rappelle à tout hasard pour qu’on ne se fasse pas spammer sur le sujet.

Nima : Je parle sans vraiment avoir de données ou de choses très concrètes derrières.

Nico : Oui voilà c’est une idée et quitte à me faire un peu l’avocat du diable c’est une idée qui ne vient pas de nulle part non plus, il y a des gens qui pensent qu’en mettant ce genre de règles il peut y avoir une sorte d’auto-régulation qui se fait. Et comme on est sur une problématique climatique il peut y avoir des gens à un endroit qui compensent d’autres donc il y a deux-trois idées derrière. Alors je suis plutôt de ton avis mais c’est important de rappeler qu’il y a sans doute d’autres opinions.

Nima : Encore un gauchiste rohlalala.

Nico : Non enfin, je ne suis pas de formation d’extrême-gauche [rires].

Nima : D’accord

Nico : Mais j’avoue que j’ai du mal aussi avec l’histoire de pouvoir acheter la pollution mais j’ai entendu de très bons contre-arguments là-dessus, c’est à dire qu’il y a aussi un côté pragmatique là-dessus de dire d’accord c’est peut-être mieux que rien finalement et c’est peut-être une première étape donc ce sont des arguments qui peuvent se recevoir aussi. Et qu’entendent souvent très mal l’extrême-gauche justement le “c’est mieux que rien”.

Robin : Ben c’est à dire que si tu vis dans un monde idéal où les gens suivent les règles, tu peux dire que tu baisses par exemple chaque année la quantité de droits à polluer autorisée et tu pourrais rêver comme ça qu’effectivement la quantité de gaz à effet de serre diminue chaque année. J’avais entendu plusieurs fois des gens qui avaient des arguments assez convaincants, je pense que le problème essentiel c’est que c’est dans un monde idéal déjà.

unfcccNico : Ok bon de toute façon on ne va pas s’étendre là dessus. Mais par contre sur les quotas et compagnie on a question de Stéphanie, importante à mon avis au moins que tu l’évoques. C’est de dire un petit mot sur Kyoto et Montréal. Alors je ne connais pas trop Montréal, j’imagine que c’est un autre protocole. Mais en tout cas Kyoto on en a pas mal entendu parler.

Nima : Et ben écoute, Julie voulait en parler je lui ai dit “non pitié n’en parle pas” parce que je n’y connais rien.

Nico : Ah bon ben si tu veux t’as le droit de dire “j’y connais rien” c’est mieux, c’est la particularité d’un podcast, tu as le droit de dire que tu n’y connais rien, moi je préfère largement que de dire n’importe quoi.

Nima : Pardon, mais là je préfère m’abstenir.

Julie : Alors on fera peut-être un retour…

Nico : Du coup là dessus, Stéphanie et son cher collègue (Lucas), si vous voulez nous faire un retour pour le freestyle, nous envoyer un mail, n’hésitez pas, on peut le faire remonter.

Julie : Ah oui voilà, c’est vrai que moi je trouvais que c’était intéressant, après il y a suffisamment de choses à dire pour qu’on puisse ne pas en parler mais si ça intéresse on fera un petit retour, donc s’il y a un auditeur qui est partant, avec plaisir !

Nico: Ensuite on a une question, dans le genre question technique, de Ewi qui demande “Et lemodèle de Lorentz il donne quoi sur le réchauffement climatique ?”

Nima : Hmpf, pfff… en fait…

Nico : Je ne comprends pas la question.

Nima : Ca n’a pas de pas de sens, en fait le modèle de Lorentz c’est simplement un modèle qui a été le premier modèle qui montre un phénomène chaotique.

Nico : D’accord. Ah oui ok.

Nima : A partir d’équations déterministes en fait, voilà…

Robin : Là encore j’en avais parlé dans l’épisode sur le chaos mais il a fait un sous-modèle tellement simplifié, que si c’est encore en rapport avec la météo, c’est un gros coup de pot quand même. Et déjà ce modèle extrêmement simplifié est chaotique. Donc disons que… c’est juste un truc qui permet de dire que probablement on arrivera pas à faire mieux que du chaotique pour la météo quoi.

Nico : Du coup je passe à la question suivante, on va y passer je pense rapidement mais c’est peut-être intéressant deux ou trois choses à dire. On nous demande quels sont les arguments des négationnistes du réchauffement climatique. Bon tu en as déjà parlé sur le fait que ce ne sont souvent pas des spécialistes etc. Je ne sais pas si tu as des choses à raconter là dessus.

Nima : La question c’est : quels sont les arguments des climatosceptiques c’est ça ?

Nico : La question exacte c’est quels sont les arguments des négationnistes du réchauffement climatique ?

Nima : Ben par exemple ils disent que c’est à cause de la vapeur d’eau, que c’est pas le CO2, après il faudrait que je réponde à chaque fois, je ne sais pas ?

Julie : Est-ce qu’il y a des gens qui disent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique ? Ou est-ce que ça se joue sur les causes, l’amplitude…

Nima : Je pense qu’ils sont vraiment une poignée maintenant à dire qu’il n’y a pas de réchauffement, la plupart sont obligés de dire qu’il y a un réchauffement mais généralement ils disent que ce n’est pas l’activité humaine ou ça peut être le soleil, ou ça peut être la vapeur d’eau, ou on a déjà connu ça dans le passé donc ce n’est pas très grave ou on a connu des périodes plus chaudes, ou certains peuvent dire qu’en antarctique la couverture de glace sur la mer augmente, donc ça démontre qu’il n’y a pas de réchauffement climatique, voilà il y a ce genre d’arguments qui peuvent apparaître.

Nico : Et là dessus pour rappeler, parce que la répétition ne fait jamais de mal, la plupart du temps, même quasiment tout le temps, ce ne sont pas des spécialistes qui parlent, ce sont plus des amateurs sur le sujet, même si des fois ils ne sont pas très loin. Là on nous dit que Laurent Cabrol en fait partie…

Nima : Alors ça peut être des scientifiques aussi, il y a des scientifiques, il y a même des climatologues qui sont proches des climatosceptiques, il y en a quelques uns qui sont très connus, il y en a deux ou trois. Ca arrive, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas un consensus fort sur cette idée d’origine anthropique du réchauffement climatique.

Nico : Ok.

Nima : Et parfois ce sont aussi des gens très intelligents qui émettent des avis contre cette idée, des physiciens qui ne sont pas climatologues mais qui ont une bonne connaissance de la physique.

Nico : Ouais ça c’est le truc, comme tu reviens à chaque fois sur des sujets à consensus scientifique mais pas médiatique, ça revient aussi dans d’autres sujets, je crois que c’est en homéopathie qu’il y a un prix Nobel qui défend l’homéopathie.

Nima : Oui, il y a Luc Montagnier.

Nico : Il y a des gens qui peuvent être de très bons scientifiques dans certains domaines et qui se retrouvent à ne pas du tout avoir la même approche dans d’autres domaines.

Nima : Oui oui.

Nico : On a une question de Jean-Phi après qui demande “où se situe-t-on par rapport aux cycles glaciaires de la terre ?”

Nima : Ben je crois qu’on est dans une période justement glaciaire, ce qui n’est pas très bon pour nous. Théoriquement là en fait on est dans une période de refroidissement, depuis quelques milliers d’années.

Nico : Bon la question suivante ce n’est pas vraiment une question je pense qu’on mettra ça peut-être dans les notes de l’émission c’est un rapport du LERNA (laboratoire d’économie de l’environnement de la Toulouse School of Economics) qui donne des idées du genre de solutions que les économistes préconisent pour limiter le réchauffement climatique. C’est notre cher Olivier Smicard-Casanova qui nous donne ce lien. On le mettra dans les notes de l’émission pour ceux que ça intéresse.

Alors ça ça peut être intéressant que tu nous fasses un retour là dessus, c’est encore assez général sur les notions de consensus de scientifique et pas médiatique. Ewi dit, parce que tu as beaucoup parlé de consensus scientifique et de revues à comité de lecture, il dit “il faut faire attention avec les revues a comité de lecture”. C’est vrai qu’on entend de plus en plus d’histoires de gens qui ont réussi à faire accepter des articles qui sont des articles bidons, dans les revues à comité de lecture.

Nima : Oui bien sûr, oui.

Julie : Il précise : “il faut plutôt parler de revue de rang A ou A+ par exemple”.

Nima : Oui mais c’est pas très parlant pour le grand public.

Nico : Oui mais dans l’idée de consensus il y a une idée de masse en fait.

Nima : On pourrait même dire que dans les revues de rang A et A+ il y a aussi des bêtises qui sont parfois publiées, ça arrive aussi. Par exemple l’article sur la vaccination qui prétendait que le vaccin contre la rougeole provoquait l’autisme, ça a été publié dans une revue très réputée, ça a été retiré par la suite mais au départ c’était publié dans une très grande revue donc bon, ça arrive aussi. Mais il faut toujours avoir effectivement un regard critique sur les publications et donc voir l’ensemble des publications. Est-ce qu’elles vont dans un certain sens ou pas ? Et comment est-ce qu’on peut savoir dans quel sens va l’ensemble des publications et bien on regarde les synthèses de la littérature. Et ces synthèses de littérature sont faites soit par les agences académiques nationales soit justement par des organismes comme le GIEC, ça n’existe que pour le climat mais éventuellement  peut-être que d’autres organismes s’ouvriront un jour sur d’autres thématiques.

Nico : Ensuite on avait une question de Jorkan62 qui dit “Cycle solaire et réchauffement climatiques. Kézako?”. Mais si tu en as déjà parlé du coup…

Nima : Non on n’en a pas parlé, effectivement, en fait depuis 40 ans le cycle solaire est plutôt faible donc on s’attendrait à ce qu’il y ait une diminution de la température. Et ce n’est pas ce qu’on observe. Et c’est donc une des premières raisons pour laquelle on pense que le soleil n’est pas la cause. Une autre raison c’est ce dont je parlais avant, c’est le réchauffement des parties basses de l’atmosphère et pas des parties hautes, qui montre aussi que ce n’est pas dû au soleil. Et puis le soleil a des cycles d’oscillation de 11 ans, donc ça monte et ça descend et si on regarde ces 40 dernières années, ces cycles n’expliquent en rien la montée des températures qu’on voit aujourd’hui.

Nico : D’accord. Ewi qui fait une remarque, je crois que c’est quand je disais que les modèles étaient compliqués, il disait que c’est pas des trucs compliqués c’est des trucs complexes, ça fait une grosse différence. [rires]

Nima : Oui c’est une bonne remarque.

Nico : Sinon avant la dernière question on a une remarque de Lucas, ça on mettra aussi dans les notes de l’émission, qui nous donne un lien pour créer son scénario bas carbone à l’horizon 2050, bon c’est uniquement pour la Belgique, il y en a un autre qui permet de faire la même chose au niveau mondial, a priori c’est assez rigolo, on simule et on voit ce qui se passe. Pour ceux que ça intéresse de faire joujou.

Nima : D’accord. Il y a d’autres sites comme ça, il y a des sites scientifiques, enfin d’instituts scientifiques pour regarder l’évolution de la température jusqu’à aujourd’hui, enfin on peut avoir accès aux données en fait de ces températures donc on peut tracer des graphs, on peut calculer des choses dessus, je donnerai les liens si besoin, dès que je les aurai retrouvés.

Nico : Et après on a une question alors j’ai oublié de noter de qui c’était, qui est assez étonnante mais je me suis demandé si tu avais quelque chose à en dire, peut-être que c’est bête : “est-ce que l’augmentation du CO2 ne pourrait pas être aussi une conséquence du réchauffement ?” au lieu d’en être la cause ?

Nima : Si si c’est une très bonne remarque, d’ailleurs les climato-sceptiques jouent là-dessus parce que généralement ils disent “ah on nous montre les courbes de corrélation entre le CO2 et la température, mais en fait quand on regarde précisément on observe que l’augmentation de la température précède toujours l’augmentation du CO2, dans les reconstructions historiques”.

Reconstruction de la concentration en CO2 et de la température. Source : John Englander

Reconstruction de la concentration en CO2 et de la température sur 450.000 ans.
Source : John Englander

Alors d’une part ce n’est pas vrai pour la période actuelle parce que là on est à une augmentation du CO2 qui arrive avant l’augmentation de la température. Et d’autre part, ce lag là, ce petit retard, ben il est expliqué scientifiquement, généralement ce qu’il se passe quand la température augmente dans les périodes inter-glaciaires, on a des dégagements de CO2 qui se font depuis les océans, donc c’est bien la température qui précède le CO2, dans ce cas là. Mais rapidement le CO2réaccélère le réchauffement, du coup il y a ce qu’on appelle un feed-back positif. C’est à dire qu’il y a bien d’abord la température qui augmente et tout d’un coup un dégagement de CO2, mais ce dégagement de CO2 devient prépondérant par rapport à cette augmentation de la température due par exemple à l’inclinaison de la terre par rapport au soleil ou la manière dont la terre tourne autour du soleil. Parce que les périodes inter-glaciaires on en n’a pas reparlé mais ce sont effectivement les mouvements de la terre et la manière dont la terre tourne autour du soleil qui expliquent ces épisodes. Donc il y a pas mal d’articles qui ont analysé ce phénomène et qui mettent justement en évidence ces rétro-actions. Effectivement la température peut parfois provoquer un dégagement de CO2 qui en retour augmente de nouveau cette température de manière plus forte encore. Donc la causalité peut se faire dans les deux sens du coup.

Nico : Ok. Merveilleux je crois qu’on n’a plus d’autres question. On a Olivier SC qui était déçu d’une réponse mais j’arrive pas à savoir laquelle donc on verra peut-être d’ici la fin de l’émission. Vu qu’il n’a posé que des questions au niveau politique j’imagine que c’est sur les réponses au niveau politique en particulier…

Nima  : C’était la taxe carbone ?

Nico : Sans doute quand tu t’es lancé au niveau extrême gauche où il y a moyen que ça ait… Oui c’est sur la taxe carbone.

Nima : Ah oui j’aurais pas dû parler… [rires]

Nico : Il ne s’attendait pas à “en tant qu’éduqué à l’extrême-gauche”. [rires] Pauvre Olivier. Ben il nous fera peut-être un retour pour le freestyle avec sa vision de la chose. Olivier fait nous un retour. Il dit que ce n’est pas politique vraiment, il a répondu plus militant que spécialiste donc fait nous un retour de spécialiste.

Nima : Oui, mais j’ai mis des guillemets au début hein !

Nico : Olivier nous dit : ça a été démontré que ça marche. Donc vraiment ben fait un retour, parce que je pense en effet que c’est intéressant de l’avoir.

Nima : Je suis prêt à suivre la voie de…

Nico : C’est un peu ce que j’essayais de défendre, je suis convaincu que l’idée de base en tout cas a été construite par des gens qui sont convaincus et ça peut marcher et pas juste à dire on va se donner une bonne excuse pour pouvoir polluer quoi.

Nima : Ouais.

Nico : Ok ! Bien sur ce merci beaucoup, je propose qu’on passe à la suite du coup.

Nima : Merci hein !

Julie : Oui ben merci Nima, t’as le temps du pitch pour réfléchir à ta quote.

Nico : Ah ouais t’as intérêt à avoir une quote !

Nima : Une quote ah ben non ?

Nico : T’as intérêt à faire ton boulot quoi. La quote ça va être “j’ai froid”.

Ok du coup le pitch de la semaine prochaine : l’équipe de Podcast Science part en groupe à Marseille pour interviewer l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet qui va nous parler de son dernier livre (en fait ce n’est pas son dernier livre) : Le destin de l’univers.  Accrochez-vous, trous noirs, déformations de l’espace temps et variables cataclysmiques sont à prévoir ! On parlera peut-être aussi de son vrai dernier livre qui parle des astéroïdes si on a un peu le temps mais on va surtout parler de trous noirs et de relativité générale. En tout cas ça s’annonce passionnant, si vous ne connaissez pas encore Jean-Pierre Luminet ça va être une bonne occasion de le connaître. On avait déjà vaguement parlé d’un de ses bouquins, l’univers chiffonné dans l’épisode sur la topologie avec ElJj, c’est un vrai spécialiste reconnu mondialement sur ces sujets au niveau relativité etc, c’est un très très bon vulgarisateur donc on est ravis d’aller le voir à Marseille pour enregistrer. Et on a quasiment tous fini son bouquin, je crois que Pascal l’a fini, Julie m’a doublé et moi faut que j’avance.

Robin : Je peux juste dire une chose ?

Julie : Et Robin l’a fini !

Robin : Non, je l’ai pas lu.

Nico : Robin est presque intéressé par le sujet.

Julie : Il a déjà lu un livre de JP Luminet !

Robin : C’est le mec qui m’a fait penser que j’étais en train de passer à côté de quelque chose.

Nico : Voilà, attention ! Ah et Johan avance.

Julie : Et on compte sur Johan d’ailleurs.

Nico : En fait c’est Johan le responsable de l’erreur dans le pitch sur le dernier livre, pas Julie, désolée Julie.

Julie : J’aurais pas balancé.

Nico : En tout cas je ne sais plus qui faisait la remarque mais le destin de l’univers on a Luminet parce qu’il nous a fait une remarque sur le dossier sur Interstellar où je parlais d’un bouquin de lui sur les trous noirs qui faisait que 400 pages et comme l’univers est en expansion, il en a fait une deuxième version de son bouquin qui maintenant fait 800 pages.

Julie : Ouais c’est ça.

Nico : Voilà.

Julie : On passe à la quote ?

Nico : Nima ? … Nima s’est barré. [rires]

Julie : Nima s’est muté et il ne s’exprimera pas.

Nima : Je suis en mute je ne peux plus parler.

Nico : Oh je rêve.

Julie : Est-ce que tu as eu le temps pendant ce magnifique pitch ? Ou est-ce qu’on fait appel à notre Robin ?

Nima : Je suis foutu là j’ai rien.

Julie : Donc tu as eu “pourquoi tant de haine ?” je crois, pendant l’interview.

Robin : Je. J’ai pas de quote.  [rires] Pardon j’avais complètement oublié que vous m’aviez demandé ça à un moment.

Julie : Bon il faut en trouver une et puis on la rajoutera au montage.

Robin : On ne peut pas mieux juger un homme sur ses actions d’une heure que le climat d’un pays sur sa température d’un jour.

Citations de Jean Antoine Petit, dit John Petit-Senn

ça vous va ?

Nima : What ?

Robin : C’est pas mal non ?

Nico : C’est pas mal

Julie : Alors il y a une citation dans la chatroom qui vient d’arriver :

I’m often asked whether I believe in global warming, I now just reply with a question : do you believe in gravity?

Neil deGrasse Tyson

Nico : Que tu traduis par ?

Julie : On me demande souvent si je crois au réchauffement climatique, maintenant je réponds simplement par la question : croyez-vous à la gravité ?

Nima : Ah c’est très bien ça oui oui. Qui est-ce qui a dit ça ?

Julie : Neil deGrasse Tyson.

Nima : Ah oui oui il est très bon.

Nico : L’excellentissime Neil deGrasse Tyson.

Julie : Je pense que c’est une bonne citation, je ne sais pas qui l’a postée. Ah c’est Johan.

Nico : C’est l’étape suivante après Luminet au niveau interview.

Nima : Parfait parfait.

Julie : Il va falloir s’employer je crois.

Robin : Sinon il y a une citation du Chat qui dit   “Ouuuh! Là…. Je sens mes rhumatismes; c’est signe que le climat de la planète va changer.” Le Chat. Philippe Geluck.

Julie : c’est pas mal aussi.

Robin : excusez-moi vous m’avez demandé moi je m’exécute.

Nico : Donc on passe aux plugs

[intermède plug]

Julie : Nima, merci d’être venu !

Nima : Merci beaucoup de m’avoir invités, vous êtes super.

Julie : On a fait un peu plus court que d’habitude.

Nima : Oui c’est bien !

Nico : Pour un sujet de Nima.

Nima : C’est bien, c’est beaucoup plus court déjà que la dernière fois.

Julie : Donc la prochaine fois 3 questions. [rires]

Nima : La prochaine fois 3 questions ça marche !

[intermède éclipse solaire]

Nico : On remercie du coup Puyo pour les dessins parce qu’il nous a fait deux dessins sympathiques et puis la chatroom qui était en pleine forme ce soir. Merci encore à Nima. Sur ce maintenant vous savez que le réchauffement climatique est un consensus scientifique, ça ne fait pas débat, donc quand vous entendez des gens débattre vous pouvez faire de la pub pour notre émission, vous pouvez faire ça sur soundclound, facebook, twitter, vous pouvez nous envoyer des messages, poser des questions, pour ceux qui ont posé des questions et qui n’ont pas eu de réponse parce que Nima n’était pas un omnispécialiste n’hésitez pas à nous envoyer des compléments pour les freestyles, je pense en particulier à nos spécialistes du protocole de Kyoto et Montréal et à notre économiste préféré. Donc voilà n’hésitez pas à nous envoyer des messages sursoundcloundfacebooktwitterpodcastscience.fm et la semaine prochaine on se retrouve pourl’interview de Luminet, en direct de Marseille, et d’ici là, que servir la science soit votre joie.

articles à lire :

http://blogs.univ-poitiers.fr/n-yeganefar/2013/10/21/les-modeles-la-machine-a-voyager-dans-le-temps-des-mathematiciens/

http://blogs.univ-poitiers.fr/n-yeganefar/2013/10/08/arguments-climato-sceptiques-deuxieme/

http://blogs.univ-poitiers.fr/n-yeganefar/2013/09/30/quelques-arguments-climato-sceptiques-passes-en-revue/

http://blog.science-infuse.fr/post/Le-rechauffement-climatique-marque-t-il-une-pause

http://alasource.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/10/27/rechauffement-climatique-la-fin-d-une-polemique.html

http://www.cafe-sciences.org/page/2/?s=r%C3%A9chauffement+climatique&submit=Search

Article publié sur le site : http://www.podcastscience.fm/dossiers/2016/04/16/episode-210-le-rechauffement-climatique-retranscription/

Dernière modification le mardi, 19 avril 2016
Podcast Science

Podcast Science, c’est une émission hebdomadaire et un blog de communication scientifique créés en septembre 2010. Nous couvrons chaque semaine un grand thème de la science, avec ou sans invité, avec un objectif avoué : faire aimer la science, sans prise de tête !