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La contrepèterie qui a servi de slogan à une campagne de recrutement orchestrée, il y a une quinzaine d’années, par le ministère de l’éducation nationale ne fait plus rire personne et surtout pas les membres du jury du CAPES externe de mathématiques
La session complémentaire de ce concours, voulue par Vincent Peillon pour pallier le manque de professeur n’a pas fait le plein, c’est le moins que l’on puisse dire : 793 admis pour 1592 postes à pourvoir. Il est vrai que l’augmentation du nombre de sessions de concours sonne presque comme un aveu d’impuissance : elle n’accroit en rien le vivier des candidats potentiels et ne permet qu’à la marge la réussite de quelques éléments supplémentaires. Ce n’est pas ainsi que peut être attaquée la racine du mal, un mal à trois visages.
 
Le métier, en général ne fait plus recette : le même CAPES en lettres classiques se solde par 156 admissibles pour 300 postes. C’est pire, car tous les admissibles ne sont pas reçus. Il est vrai que les media se font davantage l’écho des difficultés du monde éducatif (incivilités, agressions, environnement délétère des établissements, mutations compliquées…) que des aspects positifs et valorisants qui sont pourtant le lot commun caché au cœur des lycées et collèges sans gros problèmes et des avancées pédagogiques réussies.
 
Pour les mathématiques en particulier, « la baisse récurrente (du nombre de candidats aux concours ) s’explique par un marché du travail qui sollicite et rémunère davantage les scientifiques » ( Le Monde du 29 avril 2014 ). Un début de carrière à 1 800 euros net environ pour un diplômé à Bac+5 lauréat d’un concours autrefois difficile, ce n’est pas vraiment attractif et il est permis de douter qu’un nouveau gel du point d’indice pour trois années encore soit de nature à arranger les choses. La différence salariale se creuse avec les emplois équivalents dans le secteur privé (hors éducation) y compris pour les femmes.
 
Le troisième facteur est plus préoccupant encore car beaucoup plus difficile à juguler : il s’agit de la désaffection de nos jeunes pour les études scientifiques. Ce phénomène est masqué par le recrutement massif des filières médicales mais les amphis de math et de physique se vident et l’on ne va plus pouvoir y trouver les professeurs de demain dans ces disciplines puisque l’on peine déjà à en extraire les ingénieurs et techniciens demandés par une économie pourtant en panne.
 
Il est inquiétant voire suicidaire de ne pas prendre cette question à bras le corps : les toutes prochaines années voient se conjuguer un départ massif d’enseignants à la retraite et un accroissement significatif du nombre des élèves en collèges et lycées. Très peu de mathématiques suffisent à comprendre que le taux d’encadrement des élèves ne peut, en conséquence, que baisser si l’on ne parvient pas à assurer un recrutement suffisant en quantité et qualité. Cela constitue un vrai danger pour nos écoles : on peut, certes, amoindrir le rôle des mathématiques en tant qu’outil de sélection mais pas en temps qu’outil pour concevoir appréhender et modifier le monde d’aujourd’hui ( il n’est qu’à entendre parler de code ou de statistiques des gens qui n’y entendent pas grand chose pour en être convaincu). Très peu de connaissances du monde éducatif suffisent à imaginer que, dans de telles conditions, il aura du mal à intégrer les nouveaux contenus et les nouvelles pratiques offertes par le développement du numérique.
Crédit image : le coin des créateurs
Dernière modification le lundi, 05 décembre 2016
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é