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Chantal Contant : "Face aux réactions provoquées par la réforme de l’orthographe en France et la fameuse disparition programmée de l’accent circonflexe, nous publions cette semaine des textes venus de l’étranger, mais aussi des points de vue décalés et informés sur un sujet qui passionne.

https://theconversation.com/reforme-ou-rectification-de-lorthographe-le-point-sur-la-question-54705

 

Des rectifications ont été apportées à l’orthographe du français et elles ont fait les manchettes en ce début de l’année 2016 parce que le ministère de l’Éducation nationale en France a rédigé ses nouveaux programmes scolaires pour la rentrée 2016-2017 en appliquant ces changements orthographiques.

Les éditeurs scolaires préparant les nouveaux manuels pour la rentrée de l’automne 2016 ont alors senti le besoin d’emboiter le pas en employant eux aussi cette orthographe rectifiée recommandée dans leurs ouvrages.

Le grand public a alors réagi, croyant qu’il s’agissait de niveler par le bas ou qu’il était question d’une nouvelle réforme en profondeur. Or, il n’en est rien. Faisons le point.

Des changements sages et limités

Les rectifications dont on parle ici sont sages et limitées. Elles touchent en moyenne un mot par page, et il s’agit souvent d’un pluriel régularisé, d’un accent corrigé, ou de l’emploi moins aléatoire du trait d’union. Elles n’ont donc pas l’ampleur d’une réforme.

Elles apportent de la francisation et de la régularisation à notre système graphique, sans bouleverser nos habitudes d’écriture.

Ces rectifications ne sont pas récentes : elles ont été mises en place en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française à Paris, et l’Académie française les a approuvées.

Elles sont intégrées aujourd’hui dans tous les grands correcteurs informatiques (Word, OpenOffice.org, Antidote, ProLexis, Cordial…) et dans la majorité des dictionnaires récents. Les usagers et usagères du français la côtoient donc déjà depuis de nombreuses années, mais peut-être sans vraiment s’en rendre compte.

Des exemples

Qui, de nos jours, écrit encore « des raviolis » sans « s » ? L’ancienne orthographe, issue de l’italien, était « des ravioli », mais elle n’est plus de mise : elle a disparu des dictionnaires récents.

Qui écrit « référendum » sans accents ? On ne voit guère « referendum » de nos jours dans les journaux même si, en latin, les accents étaient absents. On francise donc l’orthographe de mots empruntés en leur appliquant les règles du pluriel régulier et de l’accentuation française. On renforce les règles. On protège notre langue française en respectant les principes qui la gouvernent.

Qui savait que « boursoufler » ne prenait qu’un seul « f » avant 1990 ? Voilà une exception bien inutile et incohérente, puisque sa famille de mots contient deux « f » : « souffle, souffler, essouffler… ». Heureusement, tous les dictionnaires donnent maintenant les deux formes : « boursoufler » par respect pour les générations antérieures qui ont appris durement des exceptions, et « boursouffler » en orthographe rectifiée, par respect pour les mots de sa famille. Les nouvelles générations d’élèves n’auront pas ou plus à apprendre l’exception illogique « boursoufler », qui n’en est plus une maintenant.

Souhaitons que tous les enseignants soient mis au courant de cette évolution orthographique, qui est normale pour toutes les langues : pour le français écrit, des ajustements ont été apportés environ deux fois par siècle depuis la création de l’Académie française.

Les derniers changements apportés à l’orthographe française datent de 1990 et sont en vigueur, comme le confirme le ministère de l’Éducation nationale en les employant maintenant dans ses programmes scolaires ; les précédents changements dataient de 1932-35.

L’orthographe ne change donc pas tous les cinq ans, comme certains le pensent. Mais elle change, oui, une fois ou deux au cours de la vie d’un être humain. Il faut cependant plusieurs décennies avant que leur intégration et leur application deviennent visibles. C’est ce que nous vivons ces années-ci.

Les dictionnaires

Les dictionnaires font l’objet de légères modifications périodiquement, c’est un processus normal. Puis, ils subissent des refontes plus globales au bout de plusieurs années. Par exemple, le Petit Larousse illustré a subi une refonte importante en 2012 ; la précédente refonte avait eu lieu sept ans plus tôt, en 2005. Voyons où en est la « nouvelle orthographe » dans les dictionnaires du XXIe siècle.

Dictionnaire Hachette

Le Dictionnaire Hachette a été un précurseur : dès 2002, il intégrait dans ses pages l’orthographe moderne recommandée. La graphie rectifiée est parfois donnée en gras au début (avant la définition), parfois en gras légèrement plus petit à la fin de la définition. Dans les deux cas, on la voit très clairement.

Petit Larousse illustré

Depuis sa refonte de 2012, le Petit Larousse illustré intègre toute cette « nouvelle » orthographe. Les graphies rectifiées ne sont pas toujours données en gras, mais elles sont presque systématiquement données au début, donc avant la définition du mot, ce qui est un avantage certain : on la voit tout de suite. Dans un dictionnaire de l’ampleur du Petit Larousse illustré, environ 3400 mots sont touchés. Si vous avez l’édition 2012 (ou plus) du Petit Larousse illustré, vous avez un dictionnaire à jour qui atteste les rectifications de l’orthographe du français.

Dictionnaire Usito

Le dictionnaire en ligne Usito, conçu au Québec, fait le pont entre l’usage québécois du français et son usage européen. Usito est un dictionnaire complet de la langue française d’usage standard, il contient de nombreux exemples et citations, des modèles de construction syntaxique, des informations grammaticales, des tableaux, etc.

Usito intègre l’orthographe rectifiée en mentionnant explicitement les formes recommandées, que ce soit en entrée dans la zone « RO » spécialement dédiée aux rectifications orthographiques, ou dans le tableau des formes morphologiques pour les singuliers ou pluriels régularisés, ou dans les tableaux de conjugaison pour les verbes touchés par les rectifications de l’orthographe. Tout y est.

Word, de la suite Office de Microsoft

Depuis 2007, le dictionnaire de Word accepte par défaut l’orthographe traditionnelle et l’orthographe rectifiée lors de la frappe, mais le grand public n’en est parfois pas conscient. Par exemple, puisque l’accent circonflexe devient facultatif sur « i » et sur « u » avec les rectifications de l’orthographe du français, Word reconnaitra la forme « bruler » et la forme « brûler ». Ni l’une ni l’autre ne peut être considérée comme fautive, comme le stipule l’Académie française.

On peut même modifier les réglages pour exiger uniquement l’orthographe rectifiée, si désiré. Dans ce cas, Word signalera les graphies « boursoufler », « referendum » et « brûler » comme étant des formes à remplacer, à moderniser dans votre texte.

C’est très pratique : le scripteur n’a pas besoin d’avoir toutes les règles de l’orthographe rectifiée en tête. Le correcteur de Word est là pour l’aider à repérer les mots dont l’orthographe a légèrement changé.

Dictionnaire d’Antidote

Le dictionnaire de définitions du logiciel Antidote signale explicitement depuis 2003 les graphies rectifiées ou recommandées, et elles sont accompagnées d’un bref descriptif de la règle moderne en jeu.

Antidote permet aussi de vérifier la cohérence orthographique dans un texte, qui consiste à s’assurer que la même orthographe est utilisée pour un même mot, par exemple toujours « événement » (forme traditionnelle) ou toujours « évènement » (forme moderne recommandée).

Bien que le fait d’employer tantôt l’orthographe traditionnelle et tantôt l’orthographe rectifiée pour un même mot ne constitue pas une faute d’orthographe (aucun élève ne doit être pénalisé pour avoir mélangé les deux orthographes), on aime bien que, dans un document impeccable de grande qualité, la cohérence soit de mise.

Les filtres des rectifications d’Antidote (dans le menu Inspection du correcteur) sont également un bon moyen de voir en quelques secondes les graphies traditionnelles laissées dans un texte, afin de les moderniser. Les graphies rectifiées sont traitées avec la plus grande exhaustivité dans tous les dictionnaires du logiciel Antidote : dictionnaires de définitions, de synonymes, d’antonymes, de cooccurrences, etc.

Les dictionnaires scolaires

Les dictionnaires destinés au public scolaire (aux élèves) sont nombreux et variés. Pour savoir si un dictionnaire intègre l’orthographe rectifiée, il suffit normalement de vérifier sous un mot avec « û » (comme bûche oubrûler) si l’orthographe sans accent circonflexe est donnée également (buche, bruler). Si oui, ce dictionnaire est généralement à jour pour l’ensemble des règles de la nouvelle orthographe.

La liste orthographique pour le primaire du ministère de l’Éducation au Québec, notamment, contient l’orthographe traditionnelle et l’orthographe rectifiée lorsqu’un mot est touché. Ex. :connaître/connaitre(RO) ; s’asseoir/s’assoir(RO). Les graphies rectifiées font donc partie de l’orthographe admise dans l’enseignement.

Pour connaitre les mots à mettre à jour pour l’enseignement au primaire dans toute la francophonie, voyez http://www.nouvelleorthographe.info/echelle_de_mots.html.

Liste de mots

Pour une liste détaillée de tous les mots touchés par les rectifications de l’orthographe du français et des explications complètes, on pourra consulter en librairie ou en bibliothèque le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée (plus de 5 000 mots) ou sa version de poche Nouvelle orthographe : la liste simplifiée (4 000 mots). En ligne, on pourra s’informer sur www.nouvelleorthographe.info, sur www.orthographe-recommandee.info et sur www.renouvo.org."

Article publié sur le site : https://theconversation.com/reforme-ou-rectification-de-lorthographe-le-point-sur-la-question-54705
Auteur : Chantal Contant
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Dernière modification le mardi, 23 février 2016
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