Recommandations :
- Favoriser l’utilisation d’environnements qui permettent, au-delà de la visualisation d’un monde en 3D, d’interagir avec les objets d’apprentissage pour augmenter l’engagement dans l’enseignement.
- Destiner les environnements collaboratifs de réalité virtuelle aux enseignements où la coopération est elle-même une compétence utile à acquérir.
- Les environnements virtuels proposés ne doivent pas être trop complexes.
Les environnements de réalité virtuelle sont de plus en plus utilisés dans de nombreux domaines, dont l’éducation où ils offrent de nouvelles opportunités d’apprentissage. Cette technologie est utilisée comme ressource d’information ou comme outil pédagogique où l’élève prend une part active dans l’apprentissage en interagissant avec le dispositif. Ainsi, depuis une dizaine d’années, les environnements virtuels ont été utilisés dans l’enseignement, notamment de l’histoire ou des sciences.
Qu’est-ce qu’un environnement de réalité virtuelle ?
Interagir avec un environnement de réalité virtuelle permet d’accéder à un monde virtuel, construit en 3 dimensions, dans lequel il est possible de se promener, d’observer des objets ou des personnes sous différents angles (Fuchs et al, 2006). Des stimulations auditives et kinesthésiques (des vibrations, par exemple) peuvent être ajoutées afin de rendre l’environnement encore plus réaliste. Il existe trois types de mondes virtuels : les mondes imaginaires créés numériquement de toutes pièces ; les mondes symboliques où des informations sont ajoutées au monde réel pour l’enrichir ; et enfin, les mondes simulant la réalité, visant soit à se rapprocher le plus possible du monde réel, soit à en modifier une ou plusieurs caractéristiques.
Les environnements de réalité virtuelle sont déterminés par trois aspects : l’immersion, la présence et l’interactivité. L’immersion est décrite par des chercheurs en sciences de l’informatique de l’Université de Blacksburg en Virginie (Narayan et al., 2005), comme le niveau de fidélité que l’environnement fournit aux différents sens de l’utilisateur comparativement au monde réel : l’utilisateur doit se sentir dans l’environnement virtuel au plus près du monde réel. Plusieurs caractéristiques de l’environnement permettent ainsi de favoriser le niveau d’immersion de l’individu. On peut par exemple isoler l’individu du monde réel et augmenter son sentiment d’inclusion dans l’environnement, le plus souvent par le port de casques virtuels où le champ de vision est totalement immergé dans le monde virtuel. De même, plusieurs canaux permettent d’accroître le degré d’immersion : les images, le son, les sensations physiques fournies par le toucher, appelées sensations haptiques. Lié à l’immersion, le sentiment de présence renvoie quant à lui à la perception psychologique d’être à l’intérieur de l’environnement virtuel. Enfin, l’interactivité relève de la composante dite motrice, c’est-à-dire du mode d’interaction qui va permettre à la personne de communiquer avec le système (direction par les gestes ou le regard, par exemple).
Les environnements virtuels pour l’enseignement de concepts abstraits
Les chercheurs du domaine tendent à élaborer des environnements de réalité virtuelle dédiés à l’enseignement de savoirs ou de concepts abstraits. En effet, il s’agit de fournir un apprentissage plus adapté, grâce à l’immersion, à l’interaction et à la possibilité de naviguer et de dévoiler des caractéristiques du monde réel, difficiles voire impossibles d’accès (par exemple, les abysses, l’espace, l’infiniment petit, l’infiniment grand, etc.). Ainsi, plusieurs d’entre eux sont particulièrement destinés à l’apprentissage en sciences. Dès 2003, des chercheurs de l’Institut des sciences de l’éducation (Shim et al., 2003), en Corée, ont ainsi développé et évalué l’efficacité d’un environnement de réalité virtuelle dédié à l’apprentissage de la biologie pour des élèves de collège (15-16 ans). Cet environnement vise plus particulièrement à enseigner aux élèves la structure et la fonction de l’œil à travers un apprentissage participatif. Les élèves peuvent ainsi interagir avec l’environnement en déplaçant le point de vue. Pour évaluer l’efficacité de cet enseignement, les chercheurs ont sélectionné deux groupes d’élèves : l’un assistant à un cours classique et l’autre recourant à l’environnement virtuel. Deux questionnaires ont été administrés aux élèves, avant et après l’enseignement : un premier sur les connaissances relatives au cours de biologie et un second sur l’utilisation du dispositif technologique.
L’évaluation des connaissances pré-test ne montre pas de différence significative entre les deux groupes. En revanche, les résultats de l’évaluation des connaissances post-test donnent à voir une différence significative entre les deux groupes. En effet, les élèves ayant assisté à l’enseignement avec le système de réalité virtuelle obtiennent de meilleurs résultats à ce test. L’enseignement de la structure et de la fonction de l’œil est ainsi plus efficace via un environnement de réalité virtuelle. Le second questionnaire concerne le rapport à la technologie et l’avis qu’ont les élèves sur l’outil et son intérêt. Ce dernier n’est administré qu’au groupe l’ayant utilisé.
Les résultats montrent un fort intérêt à utiliser ce type de dispositif dans l’apprentissage de la biologie. Des chercheurs de l’Université de Sydney (Kartiko, Kavakli et Cheng, 2010) ont également développé, à destination d’étudiants de psychologie, un environnement de réalité virtuelle dans le but d’appréhender le comportement de navigation des fourmis. Cette thématique est abordée avec 200 élèves, dont la moitié de façon traditionnelle et l’autre moitié avec l’environnement virtuel. Le système offre une immersion dans un monde virtuel à travers sa projection sur une toile semi-cylindrique sur un champ de vision de 160°. En outre, l’environnement propose trois variations du monde virtuel où la complexité de l’image et des animations varie. L’objectif est ici de comprendre, si, effectivement, il peut y avoir un apport de l’environnement virtuel sur l’apprentissage. Pour le vérifier, les chercheurs réalisent différents tests. Tout d’abord, ils évaluent la perception qu’ont les élèves de leur apprentissage au moyen de l’échelle de Moreno (2007). Cette échelle estime la motivation des élèves lors de l’apprentissage, l’utilité et l’intérêt de l’enseignement perçus, ainsi que la charge cognitive et le niveau de difficulté ressentis.
Les chercheurs ont d’autre part quantifié la rétention de l’information et son transfert à travers un test administré avant et après l’apprentissage. Il se composait de 8 questions de connaissance et 4 résolutions de problèmes où les élèves devaient prédire le chemin de retour d’une fourmi dans son nid. Globalement, les résultats révèlent des améliorations significatives de l’utilisation de cet environnement virtuel sur l’apprentissage : l’information est mieux transférée aux élèves et mieux retenue par ces derniers lorsque l’enseignement a été transmis vial’environnement virtuel. En ce qui concerne la complexité du monde virtuel, les résultats ne révèlent pas d’impact significatif sur l’apprentissage. En revanche, la perception de l’apprentissage était positive dans le cas de l’environnement virtuel comme dans le cours classique, et la difficulté était perçue de la même manière, dans tous les cas de figure.
Les environnements virtuels pour l’enseignement pratique sur le terrain
Les environnements virtuels peuvent permettre, comme nous l’avons vu, de faciliter l’apprentissage de concepts abstraits, mais ils peuvent également être utilisés pour faciliter des apprentissages liés à un accès au terrain utile, voire indispensable, mais difficile. Les études suivantes présentent le cas du monde sous-marin et de l’archéologie. A l’Université de St Andrew en Ecosse, en 2006, des chercheurs (Getchell et al.) ont conçu un environnement virtuel coopératif dédié à l’apprentissage de l’archéologie pour les étudiants. L’apprentissage de cette discipline est caractérisé par de nécessaires expériences de terrain. La question de l’accès à ces terrains et des exigences liées aux fouilles archéologiques peut se poser, en particulier pour les étudiants débutants.
La réalité virtuelle s’avère être une solution. L’environnement de réalité virtuelle dont il est question ici simule des excavations réalistes où les étudiants peuvent coopérer dans la planification de leur démarche et l’exploration du lieu, et ce, n’importe quand, ce qui permet de coller au rythme d’apprentissage des élèves. Afin d’étudier l’efficacité du dispositif, les chercheurs soumettent des élèves à une tâche coopérative d’archéologie, évaluée ensuite par l’enseignant. Le projet à effectuer regroupe plusieurs tâches : la planification des fouilles, le développement d’un plan d’excavation, les fouilles et les rapports correspondants ; tout comme ils le feraient sur un site réel.
Pour évaluer les bénéfices de l’outil, deux évaluations sont faites : d’une part, les coordinateurs de l’enseignement évaluent le travail fourni par les élèves, et d’autre part, les élèves auto-évaluent leur performance. Ces évaluations mettent en avant plusieurs choses. Tout d’abord, l’environnement favorise l’apprentissage et la coopération à travers la pratique de terrain. Plus précisément, beaucoup de compétences ont été améliorées comme la communication et le travail en équipe, l’organisation et la prise de décision. Ainsi que des compétences plus spécifiques au domaine archéologique telles que la budgétisation, la planification des fouilles, la gestion et l’octroi des ressources. Enfin, le réalisme des lieux engendre l’engagement et la motivation des élèves dans l’enseignement.
En 2010, une équipe de l’Université polytechnique (Getchell, Miller, Allison, Kerbey, Hardy, Sweetman, Crook et Compli) de Valence a créé un environnement qui allie à la fois la réalité virtuelle et le jeu sérieux. Il s’agit plus précisément d’un environnement de réalité virtuelle immersive visant à présenter les notions de base des sciences naturelles et de l’écologie relatives à la mer Méditerranée et à ses enjeux environnementaux. Afin de vérifier l’efficacité du système dans un contexte d’enseignement, les chercheurs mettent en place deux questionnaires visant à recueillir des données à la fois qualitatives et quantitatives : un premier questionnaire pré-test et post-test, sur les connaissances générales en sciences naturelle et en écologie (11 questions à choix multiples) afin de cerner l’apport de connaissances après l’enseignement ; puis un questionnaire concernant le ressenti des élèves à l’issue de la séance. Les résultats révèlent une efficacité de l’apprentissage avec ce système de réalité virtuelle, efficacité qui n’est pas supérieure toutefois à l’enseignement traditionnel. Les élèves ayant utilisé le système de réalité virtuelle ont cependant déclaré avoir apprécié l’enseignement et s’y être engagés de façon plus forte que les élèves de l’autre groupe. L’engagement dans l’apprentissage semble d’ailleurs effectivement dû à l’immersion et à la navigation dans l’environnement.
Conclusion
Les diverses études montrent un engouement des élèves et des étudiants, plus motivés et engagés, pour ce type de dispositifs. Elles montrent également de très bons résultats, parfois meilleurs que l’apprentissage traditionnel en termes de compréhension et de mémorisation des savoirs. Ces bénéfices sont obtenus grâce aux caractéristiques mêmes de ce type de systèmes, à savoir : l’immersion, la présence et l’interactivité. En effet, la possibilité de navigation et d’interaction dans l’environnement offrent à l’apprenant plus de dynamisme et d’engagement. En outre, ce type d’enseignement peut également permettre d’acquérir des compétences transversales telles que la coopération ou de l’expérience de terrain. Des études sont encore à venir, les environnements virtuels et les technologies sur lesquelles ils reposent évoluant constamment.
* Julie Giraudon - Doctorante en ergonomie cognitive - Université de Lorraine, Équipe PErSEUs
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Références bibliographiques :
Fuchs P., Berthoz A., Vercher J.-L. (2006), « Introduction à la réalité virtuelle », Le Traité de la réalité virtuelle, volume 1,L’Homme et l’environnement virtuel, Presses de l’école des mines.
Getchell K., Miller A., Allison C., Kerbey C., Hardy R., Sweetman R., et al. (2006), “The LAVA Project: A Service Based Approach to Supporting Exploratory Learning”, paper presented at the IADIS International Conference WWW/Internet.
Kartiko I., Kavakli M., Cheng K. (2010), “Learning science in a virtual reality application: The impacts of animated-virtual actors’visual complexity”, Computers and Education, 55(2), p. 881-891.
Moreno R. (2007), “Optimising learning from animations by minimising cognitive load: cognitive and affective consequences of signalling and segmentation methods”, Applied Cognitive Psychology, 21(6), p. 765-781.
Narayan M., Waugh L., Zhang X., Bafna P., Bowman D. (2005), “Quantifying the benefits of immersion for collaboration in virtual environments“, G. Singh & R. Lau (Eds.), Proceedings of the ACM symposium on Virtual reality software and technology(p. 78-81), New York, NY, USA.
Kim J.-H., Kim H.-S., Park J.-S., Park Y., Ryu H.-I., Shim K.-C. (2003), “Application of virtual reality technology in biology education”, Journal of Biological Education, 37(2), p.71-74.