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Vivre dans un monde numérique bousculé par l’intelligence artificielle nécessite une culture technologique et mathématique minimale. Or, force est de constater que l’enseignement de cette dernière discipline connaît des difficultés de tous ordres périodiquement mises en exergue par les mauvais classements de la France dans les comparaisons internationales PISA et autres.

Portant l’enjeu est de taille : il est indispensable d’élever le niveau de l’ensemble des citoyens en mathématiques ne serait que pour leur permettre d’exercer pleinement leurs choix de citoyens responsables et il est tout aussi indispensable de disposer de chercheurs et d’ingénieurs capables de mettre au point les outils de demain et d’assurer la maintenance de ceux dont nous disposons déjà.

Faute d’atteindre ces deux objectifs, la France se mettrait en danger tant démocratiquement qu’économiquement et accentuerait encore sa dépendance aux deux superpuissances que sont la Chine et les Etats Unis.

Le rapport que vient de publier l’Académie des technologies arrive à point nommé pour outiller la réflexion sur ce sujet et proposer des solutions.

L'Académie des technologies est une société savante française, fondée le 12 décembre 2000, dont le but est d’« éclairer la société sur le meilleur usage des technologies ». Elle est un établissement public à caractère administratif en France depuis 2007. Elle a été placée sous la protection du président de la République par l'article 111 de la loi no 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Son statut donne à ses fonctions une mission de service public. Elle est ainsi expressément chargée d'un rôle de conseil du gouvernement français.

Le rapport qu’elle publie est intitulé « Avis concernant la place et l’enseignement des Mathématiques en France »

Une présentation effectuée en conférence de presse par Alain Cadix, délégué aux compétences-clés et à la formation et pilote de l'avis, en présence de Denis Ranque, président de l'Académie.

 Avis de l’Académie « Place et enseignement des Mathématiques en France » - Académie des technologies (academie-technologies.fr).

Le préambule étaye la situation  alarmante de la France en mathématiques malgré des succès spectaculaires dans le domaine de la recherche. Suivent quatre parties :

  1. Les mathématiques remplissent plusieurs fonctions essentielles
  2. Les défis majeurs auxquels la société doit faire face ne pourront être relevés sans l’aide des technologies et par conséquent des mathématiques et des sciences en général.
  3. L’enseignement des mathématiques, comme celui des sciences et de la technologie, est à refonder dès l’école primaire.
  4. Des mesures correctrices doivent être prises sans tarder au niveau du lycée général.

Cet avis contient des recommandations, essentiellement en direction du ministère de l’Education. En voici les principales :

Faire de la formation initiale et continue des enseignants, du 1er degré et du 2d degré en mathématiques, ainsi qu’en sciences et technologie, une priorité absolue de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur (parcours préparatoires en licence, INSPE…).

Renforcer le Plan Mathématiques, pour les professeurs des écoles en priorité et donner un nouvel élan au Plan Sciences et technologie pour les professeurs des écoles qui, à peine annoncé, parait avoir été abandonné.

Soutenir le développement des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE), les évaluer.

Adapter les maquettes des masters MEEF aux besoins disciplinaires des futurs professeurs ; revoir la politique de ressources humaines des INSPE (moins de théoriciens) ; privilégier le travail en groupes, entre pairs, avec un encadrement de praticiens confirmés, à des enseignements magistraux (à limiter strictement).

Développer des parcours spécifiques de formation pour les enseignants contractuels (de plus en plus nombreux).

Renforcer l’attractivité du métier d’enseignant en mathématiques, en sciences, en technologie (conditions de travail, perspectives d’évolution, salaires).

Donner une plus large place au concret, aux applications, aux projets dans la didactique des mathématiques mais en dégageant les notions et les concepts de façon structurée ; le dosage « déductif / inductif » doit tenir compte des contextes pédagogiques

Mettre en œuvre une politique volontariste pour amener plus de filles vers des études de mathématiques, de sciences. Mobiliser dans les établissements (notamment au cycle 4) plus de femmes œuvrant dans la recherche et dans l’industrie pour servir de références (ou de modèles) aux jeunes-filles.

Prendre en urgence des mesures correctrices pour pallier les effets attribués à la réforme du lycée (2019) concernant les effectifs d’élèves (dont les filles) suivant des enseignements mathématiques dans la voie générale.

 Maintenir trois spécialités en classe de terminale générale.

Renforcer l’enseignement de Mathématiques spécifiques en 1e générale (le passer à deux heures et le rendre obligatoire pour tout élève ne choisissant pas la spécialité Mathématiques ; mettre en œuvre dans cet enseignement une pédagogie innovante).

Améliorer l’apprentissage des mathématiques, dès le 1er cycle, à partir d’avancées des sciences cognitives.

En exploitant les capacités offertes par le numérique, adapter la « forme scolaire », en particulier pour l’enseignement des mathématiques, des sciences et de la technologie.

Développer des usages raisonnés et partagés du numérique éducatif dans la didactique des mathématiques, en particulier pour tendre vers une personnalisation des apprentissages.

Envisager l’usage de logiciels de calcul ou de représentation qu’une fois que les concepts ont été assimilés, des automatismes acquis et que de premiers résultats ont été obtenus et compris.

Pour les élèves en difficulté : au 1er degré et au 2d degré, développer significativement leur accompagnement afin d’éviter leur décrochage « définitif ». Pour cela, dans le cadre des activités prévues par l’Éducation nationale, ou réalisées dans des cadres associatifs, mobiliser massivement pour du monitorat des étudiants en mathématiques, sciences et ingénierie afin qu’ils s’engagent dans divers dispositifs de soutien, reconnus dans leurs études (crédits ECTS), en accompagnement des enseignants, qui seraient préparés à les intégrer dans leur classe.

Pour les élèves en grande difficulté, proposer que la durée d’un cycle (durée nominale de trois années) puisse être portée, au cas par cas, à quatre années, sans redoublement. Cet allongement du temps de cycle (plutôt au cycle 2 ou 3) permettrait de donner plus de temps pour l’acquisition des savoirs dans les deux enseignements fondamentaux (tout en laissant leur place aux autres enseignements) et de déployer des démarches pédagogiques en rupture avec les pratiques dominantes. Il serait fait appel, comme dans le cas précédent, à des moniteurs pour seconder les enseignants.

Tous les étudiants en mathématiques, en sciences, en ingénierie (du niveau L3 au niveau master), quels que soient leurs projets professionnels, seraient incités à proposer leurs services dans un établissement d’enseignement du 1 er degré ou du 2 d degré en tenant compte du moment dans leurs parcours d’études et du niveau des classes où ils seconderaient les enseignants. Ils auraient reçu une préparation préalable à ce type d’intervention, ainsi que les enseignants les accueillant. Leur engagement serait reconnu. Des crédits ECTS leur seraient attribués selon un règlement à établir au niveau national.

Suivent deux annexes particulièrement documentées.

 L’une fournit quinze exemples d’apports en cours ou à venir des mathématiques associées aux sciences et aux technologies. Cela va de la limitation du changement climatique et écologie aux industries compétitives et décarbonées en passant par informatique et numérique au service de la société et de l’économie et il y est bien évidemment question d’intelligence artificielle.

L’autre indique quelques apports des neurosciences utiles pour l’enseignement des mathématiques.

Un rapport à lire et faire lire par tous les enseignants, tous les responsables de formation…et tous ceux qui se demandent encore à quoi servent les maths.

 

A propos de l'Académie des technologies

L’Académie des technologies promeut un développement technologique au service de l’homme, de l’environnement et d’un bien-être durable pour un progrès raisonné, choisi et partagé.

Elle regroupe 360 personnalités élues, reconnues du secteur économique, de l’industrie, des scientifiques et des acteurs de l’éducation ou encore des sciences humaines.

Placée sous la protection du Président de la République, elle émet des avis indépendants sur des grands choix technologiques et fournit des éléments de référence permettant d’éclairer le débat public.

Avis concernant la place et l’enseignement des mathématiques en France

1-AT_MATHS_AVIS.pdf

Dernière modification le jeudi, 05 octobre 2023
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é