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Une société nouvelle se crée.  Comment aborder l’innovation ? Comment trouver des solutions en listant les problématiques nouvelles, inédites pour y répondre, plutôt que de s’interroger sur la manière de tenter de conserver les habitudes antérieures, laborieusement ? Comment l’esprit critique vient-il en nous ? Comment rester en veille dans la surabondance d’infos et de « solutions » ?  Comment éviter mirages et utopies ?  Et quelle place est-elle donnée au citoyen et aux principes de la République Française « Liberté, Egalité, Fraternité » ?

C’est cette dernière question que l’on se pose à la lecture de l’article d’Alain Jeannel :

« De l’information à la désinformation. Chercher l’erreur ! » 

Sur les réseaux, les informations s’échangent, les transactions de toute nature se font, les controverses, les oppositions s’expriment. Ils ont une particularité : la présence physique des émetteurs et des récepteurs est absente ; les informations ne portent que sur des représentations d’images et de textes, produits par des algorithmes. 

Les conséquences des mécanismes psychosociaux de la désinformation ne seraient pas le fait des qualités propres de chacun, de chacune mais ils seraient de la responsabilité des informateurs qui les mettent en ligne à partir d’une conception de la psychologie et de la sociologie correspondant à leurs objectifs. Ce sont alors les décideurs émetteurs qui ont des conceptions économiques, sociales et politiques qui génèrent les mécanismes psychosociaux de la désinformation et non les récepteurs.

Philippe Meirieu [19] fait cette proposition sociologique et politique dans le film  La fabrique du citoyen.

Les individus ne sont pas seuls confrontés aux mécanismes psychosociaux, ils n’ont pas besoin d’une décision bureaucratique qui décide de leur formation, ils vivent au sein d’une société dans laquelle ils ont la possibilité de s’associer. Collectivement, ils peuvent mener les combats qu’ils jugent nécessaires contre les émetteurs des fausses nouvelles et des complots supposés qui circulent sur l’ensemble des réseaux. Par le dialogue, la controverse, ils peuvent être à même de mettre à jour les intérêts et les objectifs des auteurs de la désinformation.

Cette sociologie ne fragmente pas la population, elle conçoit qu’elle est une collectivité capable d’analyse et d’action qui pondère les injonctions gouvernementales et modifie les rapports sociaux basés en n’attribuant pas une place centrale à l’individu.

Cette conception sociologique s’inscrit dans une représentation démocratique.

Elle nécessite toutefois deux préalables, l’un concerne l’accès au savoir, l’autre la disponibilité temporelle personnelle. L’accès au savoir, aux connaissances, nécessite un contexte politique favorable. Il suppose plus d’égalité de temps disponible, en prenant en compte les capabilités de chacun. Il est alors possible de modifier l’injonction « travailler plus, pour gagner plus » en la proposition « travailler pour comprendre et rencontrer les autres ».

Les temps disponibles en dehors des activités professionnelles, ménagères, éducatives de la parentalité sont indispensables mais doivent être libérés d’une société de consommation pour devenir des temps pour penser et avoir le temps de rencontres basées sur l’altérité.

Cette orientation se retrouve dans le mouvement de « l’Education populaire » présenté dans le film « La fabrique du citoyen ». On retrouve aussi cette orientation dans le projet mis en œuvre par les bibliothécaires de Bordeaux, « La fabrique du citoyen # 7 ».

Cette orientation diffère de celle privilégiée dans le rapport présenté au Président de la République.

Dans ce rapport en effet, l’espace public serait composé d’une addition d’individus dépendant de mécanismes psychosociaux.

Cette conception s’écarte de celle d’une organisation collective d’hommes et de femmes qui produisent leur propre analyse et controverse autour des origines économiques, sociales et politiques de ces mécanismes psychosociaux.

Dans le rapport, l’abondance des sources bibliographiques, d’ailleurs difficilement consultables et la plupart du temps payantes, ne suffisent pas à rendre le texte crédible ; la crédibilité vient de la confrontation des sources pour saisir le point de vue épistémique choisi qui, dans le cas de ce rapport, engage l‘action publique dans une direction précise à partir d’une conception de la personne humaine et d’un choix de l’action publique...

Ce rapport s’attache à une volonté de former « l’esprit critique » pour éviter les effets de ces mécanismes sur une population qui n’aurait pas la capacité « cognitive » d’en faire la critique. Ce choix présente le danger que le public utilise ce raisonnement contre le pouvoir qui s’en saisit, il crée un doute sur les mécanismes psychosociaux que le pouvoir politique pourrait utiliser à leur égard.

Il peut alors inciter à la défiance, être facteur de désinformation et théorie du complot. N’existe-t-il pas là une réponse à la question : pourquoi le citoyen se détourne-t-il des offres constitutionnelles de participation à la vie politique ?

Quand il s’agit de formation pour éviter la désinformation et la théorie du complot, le rapport propose une prévention auprès des citoyens déterminée par des critères qui leur échappent et qui n’ont pas donné lieu à un débat collectif et contradictoire sur leur appréhension de la question.

Nous nous trouvons donc en présence d’un modèle éducatif basé sur des directives de formation interprétant des résultats, modélisant et théorisant les faits de la vie quotidienne dont la base est le pari d’une politique publique qui se définit en ces termes : « dès lors la piste d’action qui semble la plus prometteuse pour lutter contre les effets délétères de la désinformation est celle du renforcement de la formation à l’esprit critique et de l’éducation aux médias et à l’information » [20]

Cette conception laisse peu de place à l’esprit critique puisqu’elle impose le choix d’une approche univoque qui sert de bases aux propositions.  ...

https://www.educavox.fr/alaune/de-l-information-a-la-desinformation-chercher-l-erreur

Veille : Ne pas sous-estimer la force des signaux faibles

Extrait de la version numérique du livre des tendances 2022 de l’Observatoire Netexplo « Unscripting Tomorrow » par Sylvain Louradour, Directeur associé de Netexplo. 3 points soulignés :

1. Le basculement du temps passé devant l’écran dans le temps d’écran

Durant la pandémie, des pans entiers de la population ont augmenté leur vie sur écran. La notion de « temps d’écran » en est le révélateur. Elle explicite le fait que les écrans constituent une activité en soi et non plus un complément à nos activités. Et non seulement il s’ajoute aux autres activités comme le sport ou l’éducation par exemple, mais il les capte et se substitue à elles : le sport ou l’éducation deviennent le sport ou les cours en visio.

Quand nous disons à un enfant d’arrêter d’être sur écran, c’est sans savoir si nous lui disons d’arrêter de discuter avec ses amis, de travailler, de regarder un film, de visiter un musée, de gagner de l’argent avec des NFT, de jouer, de se faire harceler, d’apprendre une recette de cuisine ou autre. Comme si l’écran lui-même était l’activité et non pas le simple support de l’activité.

Nous ne parlons pas de « temps de poêle » quand nous faisons cuire un œuf au plat, griller une côtelette, sauter des légumes, réduire une sauce, torréfier des amandes… La différence entre la poêle et l’écran, deux objets tangibles polyvalents ? La poêle ne concerne qu’une seule des activités humaines.

L’écran concerne absolument toutes les activités humaines.

2. La maturité de technologies combinée à des financements colossaux

Les investissements énormes consentis dans les nouveaux internets, metaverse ou web 3, fonctionnent comme un accélérateur de particules, permettant d’affiner les technologies, de recruter ou former, de déployer à grande échelle. Toutes ces solutions qui visent à faire l’expérience de la phantasphère (4), jusqu’ici éparpillées, trouvent dans l’expression du metaverse le débouché applicatif qu’elles attendaient sans le savoir. Comme si le lâcher de ce mot avait aimanté des éléments disparates pour leur donner une cohérence. Ce phénomène de cristallisation offre l’avantage d’objectiver un phénomène jusque-là gazeux. Il existait une ambiance, composée d’images 3D (5), de réseaux sociaux, d’interactions. Cette ambiance s’est réifiée dans cet objet technocommercial, le metaverse.

3. Les changements de nature des « jeux vidéo »

A force d’ajouts de fonctionnalités comme les messageries, événements live ou achats, les jeux vidéo ont changé de nature, pour devenir des espaces sociaux.

De ces 3 lignes de force se profile l’arrivée du metaverse.

Selon Jean-Bernard Cheymol, sémiologue à l’Université Paris Saclay, interviewé en mars 2022 par NetExplo, le metaverse ne constitue rien d’autre qu’un nouvel avatar dans l’histoire de l’image :

« Chaque progrès dans le domaine de l’image depuis l’invention de la photographie s’accompagne d’un discours de type publicitaire qui promet une immersion toujours plus accomplie dans un autre monde et la possibilité de vivre plusieurs vies en une. » Et finalement, comme nous l’avions évoqué dans The New Now, le metaverse constitue une extension du jeu vidéo, augmenté de fonctionnalités, une « réalité aux contours incertains, qu’on veut absolument nouvelle alors qu’elle s’inscrit dans la continuité du jeu vidéo immersif, malgré les dénégations des promoteurs du métavers(e). »

Le sémiologue insiste aussi sur les conditions mêmes de la durée d’un tel dispositif :

« L’expérience procurée par les dispositifs immersifs dans lesquels s’inscrit le métavers est foncièrement déceptive et conduit à un désintérêt plus ou moins rapide des utilisateurs. Le déclin des univers de type Second life en est la manifestation. Le métavers est présenté comme une illusion mirifique et durable mais c’est oublier que le destin d’une illusion est toujours de voir son effet disparaître une fois qu’on y est entré. Il ne pourra durer que si, comme d’autres innovations dans le domaine de la fiction, il s’affirme non pas comme le lieu d’une autre vie mais acquiert une fonction dans la vie de chacun et accroît les possibles de ce monde-ci. »

Tout se passe comme si le metaverse, encore nouveau, encore hésitant sur les voies à emprunter, oscillait entre plusieurs manières d’être : entre réalité virtuelle et réalité augmentée, entre esthétique hyperréaliste ou symbolique, entre entertainment pur et fonctionnalités utiles. Bref, le metaverse se cherche.

Sylvain Louradour, Directeur associé de Netexplo, Thierry Happe, Président & co-fondateur Netexplo 

https://www.educavox.fr/accueil/debats/de-la-force-des-signaux-faibles

Déjouer « les Maîtres de la manipulation » : Un siècle de persuasion de masse. Par David colon.

On les appelle spin doctors, génies du faire croire, persuadeurs clandestins ou ingénieurs des âmes. Publicitaires, communicants, cinéastes ou propagandistes politiques, ces hommes ont en commun d’être passés maitres dans l’art de la manipulation de masse.

Ils bouleversent les règles du jeu politique, font et défont des élections, fabriquent le consentement, défendent les intérêts d’industries polluantes, influencent à leur insu le comportement de millions d’individus. Souvent méconnus, agissant pour la plupart dans l’ombre, ils conçoivent et déploient leurs techniques de persuasion en tirant profit des progrès constants des sciences et des techniques.

Spécialiste de l’histoire de la propagande contemporaine, David Colon propose une approche inédite de l’art de la persuasion :

https://www.educavox.fr/toutes-les-breves/les-maitres-de-la-manipulation

Nouveaux maux, Nouvelles idées

Extrait de la version numérique du livre des tendances 2022 de l’Observatoire Netexplo « Unscripting Tomorrow » par Sylvain Louradour, Directeur associé de Netexplo.

Les actions concrètes ne peuvent plus attendre, loin des raisons d’être abstraites, tellement bien pensantes et interchangeables qu’elles peuvent conduire à l’inverse du but recherché, la démotivation. Car dans ce contexte qui hésite entre pandémies à répétition, endémies, variants plus ou moins nocifs et contagieux, donc en permanence sous l’épée de Damoclès, le besoin de points d’ancrage se fait diablement ressentir. 

Que fait une entreprise contre « la screen fatigue » de ses employés ? Comment répond-elle à l’organisation parentale en cas de confinement ou de garde obligée au domicile ?

Voilà des sujets qui à la fois enterrent définitivement l’artificielle dichotomie vie perso/vie pro.

Est-ce de sa responsabilité de se saisir de ces thèmes qui relèvent de la sphère privée ? On peut se demander si plus qu’une question de responsabilité, il ne s’agit pas d’une obligation quasi morale : dépenser énergie et budgets pour ces questions cruciales plutôt que dans des séances de « teambuilding ». Trouver des solutions en listant les problématiques nouvelles, inédites pour y répondre, plutôt que de s’interroger sur la manière de tenter de conserver les habitudes antérieures, laborieusement.

Le hic ? Les process et les mentalités n’ont pas forcément muté et surtout les directions en place utilisent les mêmes outils qu’auparavant. Pourtant les idées ne manquent pas.

https://www.educavox.fr/alaune/nouveaux-maux-nouvelles-idees

Mais alors : Devons-nous innover ?

Autre réflexion issue de NetExplo : Nous avons tendance, dans le contexte écono­mie-tech qui gouverne l’époque, à considérer l’in­novation comme une production d’objets super­fétatoires, source de boulimie consommatrice et d’atteintes à l’environnement.

Pourtant, il s’agit avant tout d’un état d’esprit, pas d’un synonyme de production matérielle.

Par exemple, la frugalité, la maintenance, l’upcycling sont autant de façons d’innover, c’est-à-dire d’aborder un sujet avec un œil neuf, un angle inédit, une approche fraîche, comme l’indique l’origine de l’adjectif nouveau :

« Dès le XIIe siècle, il qualifie ce qui est d’apparition récente, une « chose fraîche ». Puis, il prend les valeurs de « hardi, original, inédit » et quelque­fois de « singulier, inattendu, surprenant ».

Que ramener à la surface de cette plongée sémantique ?

Les notions d’audace, de surprise, d’inattendu : elles expriment un désir de ne pas se contenter de l’existant, de ne pas se satisfaire de l’état actuel du monde, de dépasser ce qui nous empêche d’évo­luer, nous ennuie, nous entrave, nous menace et nous détruit.

https://www.educavox.fr/accueil/debats/faut-il-encore-innover

Et l’école dans tout cela ?

Nous nous posons quelques questions !

Avons-nous de l’audace ? Savons-nous déjouer les pièges de la communication, des solutions toutes faites ou pré-pensées ? Savons-nous ancrer les inédits dans un monde dont la lecture est de plus en plus complexe ? Savons-nous trouver la bonne approche démocratique pour transformer réellement l’éducation ? Prenons-nous en compte les changements et les aspirations sociales et culturelles avec le temps éducatif ?

A suivre...

Sur Educavox, vous trouverez matière à réflexions et des descriptifs d'actions innovantes : dispositifs, formation, technologies, recherche... Merci pour ces contributions !

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Dernière modification le jeudi, 02 juin 2022
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.