Trois articles récents illustrent ce propos.
Jean-François Cerisier : "Incriminer les écrans équivaut en quelque sorte à redouter la nocivité du papier ou celle de la langue quand c’est le texte et l’usage qui en est fait qui méritent d’être questionnés".
Hélène Azevedo : "Les compétences numériques ont été ajoutées à tous les programmes scolaires du monde. Mais comment développer cette compétence si les supports numériques sont diabolisés ?"
Anne Cordier : "Pour que la chance et la joie de s’informer n’aient d’égales que celles d’éduquer aux médias et à l’information"
Jean-François Cerisier : Faut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle
Jean-François Cerisier - Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de Poitiers publié sur Theconversation : Il est évident depuis plusieurs dizaines d’années que les techniques numériques transforment la plupart des activités humaines. Pourtant, beaucoup semblent découvrir que ce mouvement affecte tout autant nos comportements, croyances, valeurs, coutumes et imaginaires.
Fortement empreints d’une idéologie qui subordonne le progrès social à une croissance économique dépendante de l’innovation technique, les discours en faveur du numérique ont longtemps balayé analyses critiques, réserves et craintes. Il en va autrement aujourd’hui, alors que 67 % des enfants de 8 à 10 ans disposent déjà de comptes sur un ou plusieurs réseaux sociaux, que 20 % d’entre eux déclarent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement et que 83 % des parents reconnaissent ne pas savoir ce que leurs enfants font sur Internet.
Toute une jeunesse se transforme sous nos yeux. On peut affirmer sans exagérer qu’une véritable panique morale s’empare du discours des élites et sature l’espace public. Elle invisibilise nombre de pratiques, d’analyses, d’arguments, de points de vue et confisque la parole de certains acteurs. Celle des plus jeunes en particulier. Certaines de leurs pratiques numériques nourrissent légitimement les craintes des adultes alors que d’autres présentent un intérêt culturel, éducatif ou social indéniable.
Cette radicalisation des postures laisse malheureusement peu de place au débat et à la controverse. Pourtant, la recherche scientifique, dans sa diversité et sa pluridisciplinarité, attire l’attention sur la complexité d’un tableau tout en nuances où l’usage du numérique se révèle autant émancipateur qu’aliénant. Dans ce contexte, l’enjeu n’est pas seulement d’échapper aux risques du numérique mais aussi de pouvoir en réaliser les promesses.
« Danger des écrans » : une formulation inadaptée...
Jean-François Cerisier : Faut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle
https://www.educavox.fr/alaune/faut-il-avoir-peur-des-ecrans-retour-sur-une-annonce-presidentielle
Le numérique, compétence clé du 21ème siècle
Hélène Azevedo : La « Pause Numérique » de Nicole Belloubet : Une solution contre la violence ?
La compétence numérique est définie comme un ensemble d'aptitudes permettant une utilisation confiante, critique et créative des technologies numériques, visant divers objectifs dans l'apprentissage, le travail, les loisirs, et la participation sociale. Elle vise à développer l'autonomie de l'individu dans le choix et l'utilisation des outils numériques dans différents contextes, y compris pédagogiques, professionnels et quotidiens.
Cette compétence prépare également à s'adapter aux innovations technologiques futures, comme l'intelligence artificielle, en adoptant une perspective critique et en sachant les intégrer utilement. Enfin, elle est essentielle au développement professionnel au 21e siècle, nécessitant l'utilisation de ressources numériques pour maintenir à jour les compétences professionnelles.
Une étude de l'Insee parue en juin 2023 révèle que 15,4 % de la population française serait en situation d'illectronisme, ce qui constitue un défi au quotidien et une source d’inégalité. Cela montre la nécessité d’apprendre à s’en servir.
Les compétences numériques ont été ajoutées à tous les programmes scolaires du monde. Mais comment développer cette compétence si les supports numériques sont diabolisés. Et surtout, comment l’enseigner sans équipement en classe ? En France par exemple, où les collectivités sont responsables de les financer, seules 23% ont déployé des plans individuels massifs - coûteux pour le contribuable et pour la planète.
Aujourd’hui près de 9 collégiens sur 10 ont un téléphone portable dans leur poche. Et l’usage majoritaire reste les réseaux sociaux et les jeux en ligne, qui sont devenus un des moyens de communication et de sociabilisation de cette génération.
Les réseaux sociaux, reflet de la vraie vie et de la violence
Aujourd’hui face à l’augmentation de violences et agressions entre adolescents, on pointe du doigt les téléphones portables et on considère que les interdire résoudrait le problème ?
Si nous n’apprenons pas à nos adolescents les règles et les fonctionnements de la société du numérique, l’économie de l’attention et les dangers des réseaux sociaux, ces initiatives n’auront aucun effet sur la violence et les agressions. Le problème sera juste déplacé aux ministères de la famille et de l’intérieur mais il restera bien réel. Les réseaux sociaux sont une réalité et ils déclenchent aujourd’hui malgré nous de la violence en ligne et hors ligne. Il est donc essentiel que nous nous emparions courageusement du sujet.
Éduquer aux dangers du numérique doit être une priorité...Lire l'article :
Hélène Azevedo : La « Pause Numérique » de Nicole Belloubet : Une solution contre la violence ?
Anne Cordier : Pour que la chance et la joie de s’informer n’aient d’égales que celles d’éduquer aux médias et à l’information
Le mythe d’une rupture générationnelle, voire anthropologique, majeure, en raison de l’arrivée d’internet dans nos vies, est né. Ces enfants, ces adolescents, qui manient avec dextérité un téléphone portable, écrivent des messages à la vitesse de la lumière, sont alors catégorisés comme « digital natives », « génération Google », « Petite Poucette », avant que, sous l’effet de l’arrivée de nouveaux dispositifs, on les affuble du qualificatif de « Génération TikTok ».
En 2001, après le discours de Barlow qui avait ouvert le sillon de l’idée d’un fossé générationnel, Mark Prensky, consultant en TICE, enfonce le clou : il désigne par le néologisme « digital natives » cette cyber jeunesse qui n’a pas connu le monde sans Internet, et serait, par là-même, radicalement, voire biologiquement, différente des autres générations.
Ce discours infuse de façon puissante dans la société.
Il imprègne les imaginaires collectifs, entretenant le sentiment d’une incapacité à « faire reliance » entre les générations, entre les parents, les enseignants, les adultes en général, et les enfants et adolescents. Cette peur d’une telle rupture conduit souvent à rejeter les usages et pratiques juvéniles, jugés comme problématiques à l’aune de pratiques installées selon un ordre établi.
Depuis quelques temps, pour dénoncer la pensée de la rupture anthropologique, et avec elle les peurs qu’elle draine, le concept de « panique morale » est brandi...
Anne Cordier : Pour que la chance et la joie de s’informer n’aient d’égales que celles d’éduquer aux médias et à l’information
Dernière modification le jeudi, 23 mai 2024