Le monde des « makers »
Dans son article, " Les makerspaces: un petit coin de paradis technologique "?, inspiré par l’ouvrage : Makers : enquête sur les laboratoires de changement social de Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie Christine Bureau et Michel Lallement, Monique Dagnaud décrit les différentes dimensions de ces « temples du bidouillage » qui se développent :
La philosophie politique du Faire
D’abord, saute aux yeux la dimension utilitaire, puisque s’y trouvent réunis les outils nécessaires pour fabriquer ou inventer des objets, outils qui vont du petit et moyen matériel de bricolage à des machines plus sophistiquées comme les imprimantes 3D, des fraiseuses numériques, ou des découpeuses laser.
Y figure aussi la panoplie informatique complète du geek : on le sait, la culture numérique, dès le départ, a été imbriquée au loisir de la bricole. Ces bric-à-brac où s’entassent dans un joyeux désordre outils, machines, établis, objets improbables et en devenir et une multitude de choses qui pourraient être utiles à l’occasion forment le décor typique de ces lieux cultes qui ressemblent parfois plus à la chambre de Harry Potter qu’au garage bien ordonné d’un bricoleur du dimanche. D’autres fablabs, en revanche, présentent l’allure d’un atelier d’usinage.
Ensuite, s’y exerce une activité pédagogique : dans ces lieux on fabrique, mais aussi on apprend à fabriquer, grâce à l’esprit collaboratif qui veut que l’on s’entraide et que l’on s’applique à partager le savoir. Cette culture de l’échange trouve son prolongement dans les réunions, les séances de formation et les événements conviviaux et festifs qui ponctuent l’agenda de ces ateliers : ils sont conçus comme des espaces de sociabilité.
Enfin, y est ancrée une dimension militante : ces lieux prospèrent sur la résistance à l’essor du capitalisme bureaucratisé. Les makers expriment à bas bruit une révolte contre le travail tel qu’il est organisé dans les grandes organisations et entendent promouvoir le Faire comme source de l’émancipation individuelle et collective. Derrière la célébration de l’outil et de la technologie, beaucoup de causes se bousculent : l’autonomie individuelle, l’écologie, l’élévation par la connaissance, le partage, la bienveillance, la création du bien commun.
Les documents présentant ces lieux-tiers usent de la rhétorique des hackers qui exalte la notion de liberté : de la liberté d’expression, d’information et de mouvement à la liberté d’entreprendre, et ses prolongements économiques. Un monde commun se dégage alors, façonné par une philosophie sociale qui s’enracine dans les origines de l’internet et qui se chante dans des happenings d’envergure mondiales (Burning Man, rassemblements du Chaos Computer Club, sommets et happenings divers).
La lenteur des évolutions de l’école
Jean-François CECI, dans l’article : « Pourquoi le numérique éducatif fait-il tant débat autour des bénéfices que l'on peut en attendre ? » explique les évolutions récentes des phénomènes qui expliquent la lenteur des évolutions dans l’école.
« Pour comprendre la récence du phénomène numérique, rappelons que l’informatique à l’école est un concept du début des années 1970[5]. Le numérique éducatif quant à lui (centré sur l’usage par les apprenants, pour apprendre), date du début des années 2000[6]. Il n’est pas anormal que notre système éducatif ne soit pas encore adapté à une constante révolution numérique, depuis à peine 15 ans. Le monde de l’entreprise est aussi en peine pour s’adapter à la numérisation de nos sociétés hyperconnectées.
Cette néo-culture, qu’est la culture numérique comporte une multitude (évolutive) de thématiques dont : l’EMI (éducation aux médias et Internet), la cyber-sécurité, la cyber-citoyenneté, les mésusages et addictions numériques, les données personnelles, le télétravail, la législation du numérique, les habiletés numériques, … sans oublier les dimensions humaines propres à toute culture telles que décrites par Bruno Devauchelle, Hervé Platteaux et Jean-François Cerisier en 2009[7]. »
« La culture numérique serait donc l’intégration dans la culture, liée au développement des techniques numériques, de changements potentiels ou effectifs dans les registres relationnels, sociaux, identitaires, informationnels et professionnels. Elle se rapproche de la culture informationnelle car elle repose sur l’échange d’informations. Elle s’en distingue car son centre n’est pas l’information mais le réseau social et l’individu qui échange cette information. »
Michel Perez lors d’une rencontre organisée par la Mission Ecoter formule ainsi les enjeux :
« Préparer les élèves à leur avenir et non à leur passé », c’est l’enjeu auquel l’ensemble des acteurs de l’éducation et les collectivités sont aujourd’hui tenus de répondre, et d’appeler à un changement de vision et de perspectives, à l’heure d’un numérique dont la portée ne peut se résumer à un ensemble d’outils, mais revêt la forme d’un phénomène social et culturel puissant, disruptif et créateur d’usages nouveaux, comme le met en perspective Nicolas Colin, fondateur de The Family co-auteur avec Henri Verdier de l’Âge de la multitude.
Nous sommes à l’ère de l’ATAWAD[3], dans laquelle les individus, a fortiori les Jeunes sont hyper socialisés (Youtube, Instagram, Snapchat, Twitter, Facebook) et ont un accès permanent à l’information, aux environnements personnels d’apprentissage, constituant le socle d’une véritable intelligence collective.
Alors le numérique à l’école, dans sa perception, son appréhension et ses usages est-il en phase avec cette réalité ? Nous ne sommes qu’au commencement, même si 80% des professeurs indiquent utiliser le numérique dans leur enseignement et pensent qu’il peut faire progresser leurs élèves.
Une révolution pédagogique est en marche pour répondre aux élèves toujours plus hyperactifs pour lesquels l’enseignement frontal et trop passif ne correspond plus aux attentes.
C’est un changement disruptif qui se produit à quatre niveaux : dans ce que l’on apprend, comment on l’apprend, où on apprend, quand on apprend et avec qui on apprend.
Comme l’explique Serge Tisseron, la relation entre l’élève et le professeur change radicalement et l’école ne peut plus faire la " même chose " qu’avant, à savoir un enseignement purement frontal. "L’introduction des technologies numériques à l’école, ce n’est pas seulement faire les mêmes choses autrement, c’est une manière de repenser tout l’enseignement "
Et cette évolution dans l’enseignement oblige à repenser les équipements, les espaces, les salles de classes, leur modularité, mais aussi l’organisation des temps jusqu’aux pratiques managériales dont la verticalité ne répond plus aux attentes. Il s’agit désormais d’encourager la médiation pédagogique et de travailler par projets.
https://www.educavox.fr/accueil/reportages/numerique-et-education-un-dialogue-entre-les-acteurs
Des dialogues entre acteurs
De véritables dialogues et de multiples projets se créent entre tous les acteurs, collectivités, institutions, secteurs des entreprises du numérique.
Une rencontre des entreprises Ed Tech avec les acheteurs de solutions éducatives, en présence de la Mission des Achats du Ministère de l’Education Nationale, du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la Direction du Numérique pour l’Education et de collectivités locales s’est déroulée à l’ENSEIRB-MATMECA à Talence en Gironde.
Il s'agissait de mettre en relation toute structure souhaitant développer des outils éducatifs et de formation en France, avec les acteurs de l’éducation autour de coopération et de développement d’initiatives. Une première pour échanger avec les entreprises en lien avec l’Education et la Formation déjà existantes et matures pour accéder à ces marchés, pour détecter les nouveaux services et outils en développement par des entreprises et/ou par des particuliers, les conseiller et promouvoir les initiatives territoriales facilitant l’accès au marché de l’éducation.
Jusqu’où irons-nous pour réussir ? Plusieurs voies s’ouvrent. Dans notre monde en tension se reconfigurent les espaces politiques, économiques, sociaux, éducatifs et culturels. Saurons-nous relever les défis ?
Dernière modification le vendredi, 01 mai 2020