Lu sur The conversation : Smartphones au collège : de quoi la « pause numérique » est-elle le nom ?
Jean-François Cerisier : La « commission d’experts sur l’exposition des enfants aux écrans » annoncée lors de la conférence de presse du président de la République du 16 janvier 2024, a rendu ses conclusions le 30 avril 2024. Son rapport final, intitulé « Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu », avait vocation à éclairer, par ses analyses et ses recommandations, l’élaboration d’une politique publique destinée à encadrer « le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles, à la maison comme en classe, parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».
Cette grande ambition se réduit aujourd’hui à l’instauration d’une « pause numérique » au collège, annoncée par Nicole Belloubet à l’occasion de la rentrée 2024. Cette mesure de rétention des smartphones à l’entrée des collèges ne fait pas consensus. Expérimentée au sein de 199 collèges dès la rentrée 2024, elle devrait être généralisée en 2025.
Quel intérêt pédagogique pour le smartphone ?
Pour autant, il semble qu’un pan de la réalité des pratiques numériques juvéniles est occulté dans le rapport. D’une part, il existe des controverses scientifiques sur la dangerosité de certains usages, notamment quant aux réseaux socio-numériques. D’autre part, il est fait peu de cas de nombreuses activités numériques émancipatrices car permettant de s’informer, d’exercer sa créativité…
Enfin, le grand absent du rapport et de ses préconisations concerne la dimension scolaire de l’utilisation des smartphones par les collégiens, à la maison comme au sein de l’établissement scolaire. Rien n’est dit de l’intérêt de ces équipements pour les apprentissages des élèves et de ce qu’il convient d’en tirer en termes de cadrage institutionnel.
Jean-François Cerisier : Smartphones au collège : de quoi la « pause numérique » est-elle le nom ?
An@é : Un projet pluriannuel sur trois années, avec pour thème central « Les intelligences artificielles et l’esprit critique » 2024/2026
Nous avons souhaité découvrir, lors des Rencontres de novembre organisées à l’initiative de l’An@é avec de nombreux partenaires, à l’IUT de Montaigne, des activités utilisant le numérique permettant de s’informer, d’exercer sa créativité et son esprit critique.
Ce fut la rencontre du 27 novembre : Jeunes, acteurs, médiateurs : Paroles éclairées !
A propos de pause numérique, on notera l’expérimentation réalisée au collège de Guitres en Gironde.
La Principale, Émeline Brisseau-Bordat a permis une réflexion collective, dans un esprit de co-éducation, à savoir comprendre les pressions sociales, les pratiques des jeunes et prendre conscience des questions qui se posent notamment à l’échelle familiale.
L’Intelligence Artificielle et toutes les possibilités apportées par l’IA Générative a initié des projets et nous en avons ici quelques exemples.
Développer l'esprit critique des élèves : une entreprise collaborative et protéiforme
Bathilde Vassent Ndiaye, Professeure documentaliste, Référente Culture au Lycée Professionnel Tregey à Bordeaux, intervenant dans la deuxième partie du séminaire de l’An@é : "Les Intelligences Artificielles et l'Esprit Critique"
"Développer l’esprit critique de nos élèves face à l’IA, c'est développer leur capacité à exercer l'esprit critique tout court encore faut-il l'avoir travaillé en amont et hors contexte."
Les leviers cognitifs à activer sont strictement les mêmes, ils prennent racine dans le recours au doute, le recours au questionnement constructif. Finalement l'IA, ce n'est pas une fin en soi dans ce contexte, l'esprit critique se travaille tous les jours.
Faire comprendre aux élèves qu'est-ce que sont les Intelligences Artificielles, comment elles fonctionnent ;
De quelles intelligences parle -t-on est-ce qu'elles sont plus intelligentes qu’eux, quel type de données elles agrègent ;
Il s’agit de les sensibiliser au fait qu'il y a une nette domination de la culture anglosaxonne blanche dans ces données ce n’est pas anodin du tout ;
Leur enseigner l'art du prompt évidemment afin de leur faire prendre conscience de l'impact de l'humain dans la qualité des résultats ;
Mettre en place une éducation à l'intégrité car la fausse appropriation des connaissances et des compétences crée un faux sentiment de réussite. C'est évidemment un piège énorme dont on se rend compte dès lors qu'on fait passer l'élève à l'oral.
Développer l'esprit critique des élèves : une entreprise collaborative et protéiforme
Qu'est-ce que les jeunes aiment dans ces univers ?
Vincent MAS, Délégué Académique à la vie lycéenne a contacté un panel d’élèves élus au Conseil de Vie Lycéenne et nous apporte leurs témoignages.
Ils aiment beaucoup être suivis et être « likés », aller sur des applis qu’ils choisissent donc ils ont un peu la technique pour les installer, les appréhender, être compétents. Cette compétence technique peut être une prise de pouvoir sur quelqu’un …
L'univers numérique est intégré chez eux sans problème même si en fait, l’absence de problématique peut parfois poser question justement parce que la liberté n'a pas de limite.
Ces univers, ce sont les espaces numériques qu’ils connaissent très bien, les plateformes, les jeux en ligne, l'utilisation des réseaux sociaux, Snapchat, Telegram, LinkedIn que nous utilisons est très peu cité ! WhatsApp est un peu hybride mais n’est pas forcément le réseau d'utilisation premier. Quant à l’utilisation de ChatGPT, pas de souci, ils utilisent les outils mis à disposition pour créer leurs documents de présentation, pour communiquer, créer, avoir des animations, des aides…ou des idées.
On se pose des questions : exister sur les réseaux, c’est exister et si je suis « ghosté », je n’existe plus…
Ils sont dans la même temporalité, ils ont une facilité à mettre en ligne leur vie et ils ne se s'inquiètent généralement pas des traces qu’ils laissent dans l'espace numérique. Ils aiment les « stories » et les partagent.
Ces usages sont multiples au point qu’il est difficile de discuter sereinement d’intelligence artificielle : certains l’utilisent avec une malice assumée quand d’autres en font une utilisation décomplexée.
Educ@tech : Utiliser autrement les réseaux sociaux : Quelles initiatives pédagogiques pour émanciper la jeunesse ?
Question posée lors de la conférence organisée à Educatech avec les interventions de Jennifer ELBAZ, Chargée De Mission Éducation Au Numérique – CNIL, Bénédicte LESAGE, Membre du Collège – ARCOM, Deborah Elalouf, VP Education ED tech.
Les réseaux sociaux permettent de s'affranchir de la rencontre physique, ce qui induit un mode d’échanges où l’on peut choisir ce qu’on montre et ce qu’on dit de nous-mêmes, tester des nouveaux modes d’expression et avoir accès à une grande quantité d’informations quand on n’est pas très mobile... On comprend alors aisément pourquoi les jeunes s’en sont massivement emparés pour vivre une partie de leur sociabilité et de leur apprentissage du monde, en parallèle des institutions comme l’école ou la famille.
L’école a évidemment un rôle à jouer dans la maîtrise de leur identité numérique, la protection de leurs données personnelles, la violence en ligne, le rôle des algorithmes sur l’information qu’ils et elles consomment.
Pour aider la jeunesse à se saisir des opportunités des nombreux réseaux sociaux comme à se prémunir de leurs limites, il s’agit de développer leur savoir-faire comme leur savoir être dans les mondes numériques.
Par Franc Morandi : https://www.educavox.fr/accueil/reportages/educatech-utiliser-autrement-les-reseaux-sociaux-quelles-initiatives-pedagogiques-pour-emanciper-la-jeunesse
Rencontres An@é : L’intelligence artificielle apporte-t-elle des « outils » dans les espaces éducatifs ?
L’intelligence artificielle dans nos imaginaires
Intervention de Charles Alexandre Delestage, Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’institut Universitaire de technologie Bordeaux Montaigne
La création artistique à l’épreuve de l’intelligence artificielle :
Sous la conduite d’Anouck Marchais, professeure documentaliste, les élèves de la classe de terminale de CAP Jardinier Paysagiste de l’EREA Le Corbusier de Pessac ont mené le projet « Faux-to » en interdisciplinarité avec les arts appliqués.
Par Jacques Puyou : https://www.educavox.fr/accueil/reportages/l-intelligence-artificielle-dans-nos-imaginaires-et-dans-les-classes
Projet au lycée François Mauriac : L’Intelligence Artificielle comme enjeu démocratique
Les nouveaux programmes d’EMC -Enseignement Moral et Civique- en vue de la rentrée 2024 pour la classe de 2nde prévoient un axe intitulé : « Liberté et responsabilité : l’exemple de l’information (vecteurs, nécessité et enjeux). Ils associent notamment l’Éducation aux Médias et à l'Information (EMI), en rapport avec la défense et la cohésion nationale, et insistent sur l’analyse de la liberté de la presse et de l’information et l’Intelligence Artificielle et l’information. Or, l’IA demeure un angle mort de la formation des enseignants d’histoire-géographie-EMC notamment.
Interventions de Pauline Bourmaud-Danto, Professeure Histoire Géographie Enseignement Moral et Civique, et de Gilles Lassus, Professeur de Maths- Sciences Numérique et Technologie - Numérique et Sciences Informatique, Lycée Mauriac Bordeaux.
"Il a ainsi semblé pertinent d’inscrire ce projet dans une démarche interdisciplinaire et d’établissement."
Il s’agit en effet de travailler sur les objectifs programmatiques des deux disciplines mobilisées, mais aussi sur l’égalité filles-garçons. Nous avons observé que très peu de jeunes filles choisissent la spécialité NSI. Par la mise en œuvre de ce projet, nous souhaitons donc sensibiliser particulièrement les jeunes filles à cette discipline afin que leur choix de spécialité soit le plus éclairé possible en fin d’année de seconde et limiter l’autocensure.
Enfin, ce projet a été rendu possible par le choix pédagogique de l’établissement de constituer des demi-groupes d’EMC et SNT.
L’Intelligence Artificielle comme enjeu démocratique
Nous n’avons pas encore terminé la mise en ligne de tous les articles relatifs à cette question du développement de l’esprit critique, miroir d’une journée très riche, un dossier se constitue actuellement et sera accessible rapidement.
Notons encore deux points essentiels de deux intervenants :
Charles Alexandre Delestage, Maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication : La bataille qui se joue nécessite plus de régulation et l’Europe l’a bien compris qui est en pointe sur le sujet : sans régulation, on court au-devant de grandes difficultés.
Frédéric Dupuy, Formateur à CANOPE Gironde, part d’une réalité : l’intelligence artificielle est là et la seule question qui vaille est : comment faire avec pour qu’elle ait un impact. A quelles conditions peut-elle modifier les pratiques professionnelles des personnels de l’éducation nationale ?
Vu du Québec : Rencontre avec TULPA et autres comptes-rendus par Ninon-Louise LePage
L’activité immersive Tulpamancer du Centre PHI [i] de Montréal nous invite à une rencontre avec TULPA, une intelligence artificielle. Cette entrevue permet d’explorer certaines frontières de cette technologie (IA). L’exploration se poursuit ensuite avec The Golden Key. Cette animation, deuxième partie de l’exposition Rêves codés est une œuvre immersive qui réinvente les contes folkloriques grâce à l’intelligence artificielle. Mon texte relate l’expérience vécue suivi de réflexions suite à ces face-à-face virtuels. J’enchaîne avec quelques comptes-rendus de conférences présentées lors de l’évènement ALL IN 2024.
Rencontre avec TULPA et autres comptes-rendus
https://educavox.fr/accueil/reportages/rencontre-avec-tulpa-et-autres-comptes-rendus
Éduquer contre la désinformation amplifiée par l'IA et l’hypertrucage : une recension d’initiatives de 2018 à 2024
Article proposé par Ninon-Louise LePage -Ressource : L'OBVIA- Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique *- publié le 10 octobre 2024 :
Éduquer contre la désinformation amplifiée par l’IA et l’hypertrucage : une recension d’initiatives de 2018 à 2024.
Co-responsables de l’axe Éducation et Capacitation : Nadia Naffi, Chercheuse responsable de l’Axe Éducation et Capacitation à l’Obvia, titulaire de la Chaire de leadership en enseignement (CLE) sur les pratiques pédagogiques innovantes en contexte numérique – Banque Nationale et Professeure adjointe au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage à l’Université Laval, Chris Larnder Chercheur responsable de l’Axe Éducation et Capacitation à l’Obvia, Professeur au John Abbott College Obvia.
S'adressant à la communauté scientifique, à la classe politique, au personnel enseignant et aux conseillers et conseillères pédagogiques, ce rapport présente les résultats d’une recension d'initiatives visant à éduquer la population contre la désinformation propulsée par l’utilisation non éthique de l’IA.
Ninon-Louise LePage élargit les périmètres et enrichit nos réflexions avec ses nombreux articles que vous retrouverez ici :
Vu du Québec :
https://educavox.fr/les-reportages/content/436-vu-du-quebec/
Chaire UNESCO : Penser face à l’IA, à quoi bon ?
Par Lucie Grasset Chaire UNESCO - Ressources Éducatives Libres et Intelligence Artificielle : Le 20 septembre 2024, dans le cadre de la Nantes Digital Week, a été organisée la journée Penser face à l’IA, à quoi bon ?. Cet événement, co-construit avec la Chaire UNESCO “Pratiques de la philosophie avec les enfants et les adolescents”, la Halle 6 Ouest et avec le soutien du rectorat de Nantes, a proposé une exploration collective des enjeux éthiques et philosophiques de l’intelligence artificielle.
Une matinée dédiée aux lycéen·nes : comprendre pour mieux questionner
La journée a débuté par un parcours spécialement conçu pour trois classes de seconde de l’agglomération nantaise (La Colinière, Livet, Nelson Mandela), invitant les élèves à découvrir les enjeux de l’IA au travers d’une série d’ateliers participatifs.
"En mêlant exploration éducative et liberté d’échanges, cette journée a permis de construire des ponts entre différentes perspectives et publics. Nous retenons de cette expérience l’importance de créer des espaces d’échanges interdisciplinaires et hybrides, à la fois cadrés et ouverts, pour penser ensemble des enjeux aussi complexes que ceux liés à l’IA"
Conclusion : S'arrêter sur les parcours pour construire l'avenir
Notre été 2024 fut marqué par la disparition de notre ami et Vice-Président Marcel Desvergne, créateur des Universités d’été de la Communication (Lacanau, Carcans-Maubuisson, Hourtin), homme de culture et de conviction, humaniste, fédérateur et visionnaire, le citoyen numérique, comme il se définissait. Il avait un regard espiègle et positif toujours tourné vers l’avenir. Nous l’évoquerons encore une fois, pour comprendre l’ancrage de nos réflexions dans ces espaces où se rencontraient tous les acteurs de la société …
Hourtin 95 a été la prise de conscience de l’installation de la société de l’information qui a obligé chacun à réfléchir à ses conséquences en termes économique, social, culturel. L’emploi a été au centre des inquiétudes, l’éducation, aussi : Il nous faudra désormais intégrer cette nouvelle donne.
« Si nous ne formons pas nos enfants, les satellites les formeront à notre place » a été lancée par Anita Rozenholc, chargée de mission à la DATAR.
« Nous avons beaucoup d’élèves désabusés. Selon moi, la raison en est qu’il existe une rupture : ils ne retrouvent pas à l’école tous les outils dont ils savent se servir » rajoute Rachel Cohen, docteur en sciences de l’éducation.
Ces universités d’été permettaient de faire se rencontrer les décideurs des entreprises, des médias, des politiques, des technologies des nombreux secteurs de la collectivité, et des enseignants pour leurs apports dans la mutation de la société.
J'écrivais en 1997 : Ce qui semble certain, dans le monde de demain proposé à nos élèves d’aujourd’hui, c’est qu’il y aura encore ces questions et elles seront de plus en plus centrales : Le rapport à l’information, le rapport au savoir et à la recherche, les pratiques culturelles des jeunes et l’adéquation avec les apprentissages, la maîtrise individuelle et technique des langues vivantes, les liens et les équilibres entre l’entreprise, les collectivités, les territoires et l’état
Et ces questions sans cesse modifiées par l’omniprésence du numérique dans notre quotidien, seront notamment des questions d’éthique, de protection des individus, de propriété intellectuelle, de vérification et de hiérarchisations des informations, de création.
En 1999, Marcel Desvergne plaçait la 20ème Université d’Eté de la Communication dans " Le temps de l’homme mondial "
Nous n’oublierons pas non plus de 2005 – 2007, les « Entretiens des Civilisations Numériques ». En 2005, les discussions d’un concile ont permis de formuler les dix questions à mettre en débat.
En 2006, les martingales d’un casino ont permis de penser une exposition universelle de 2026 et d’écrire dix histoires vers le futur pour y parvenir.
En 2007, les votes d’une assemblée numérique, à partir de quatre scénarios intégrant des ressources énergétiques en baisse, un changement du climat, et les meilleures capacités d’actions collectives que nous confèrent le numérique, ont permis de présenter sept plans d’actions.
Défis et plans d’action : Le 7 octobre 2007, Daniel Kaplan, responsable du programme, expose les défis et plans d’action votés électroniquement.
Marcel Desvergne : " Rendre perceptible notre futur "
https://www.educavox.fr/accueil/breves/marcel-desvergne-rendre-perceptible-notre-futur
Depuis, les pratiques avec le numérique sont entrées dans nos actions quotidiennes, nos univers technologiques, sont devenues nos sources d’information, d’échanges et de création, c’est notre culture. Ce sont des apports considérables dans certains domaines...L’écosystème est en marche, avec son économie, avec ses structures, ses contenus, échanges, partages, ses pratiques où l’humain comme toujours excelle en belles ou mauvaises choses … Il n'est ni l'heure des retours en arrière, ni celle des emballements. Le numérique a amplifié toutes les possibilités, et ce n’est pas terminé…Il est là le temps de l’homme mondial où le retour du politique sur ces questions majeures ne fait que tarder…
Michelle Laurissergues
Dernière modification le samedi, 04 janvier 2025