Le doute partout
Vrai info ou intox, rumeur, info cachée ou surexposée, impact de l’audience sur les lignes éditoriales, les journalistes sont contraints à occuper des espaces de plus en plus longs dans les chaines d’info permanentes, sur -exploitent des « petites phrases » jouent sur les sondages du jour, l’humour, les montages pour attirer des consommateurs volages.
A noter cependant, ce qui démontre que cette question n'est pas toute neuve, un dossier proposé sur le site inaglobal.fr : "La rumeur, plus vieux média du monde ?" Omniprésent déjà au Moyen Âge, ce phénomène protéiforme explose dorénavant sur Internet et les réseaux sociaux. Décrypter ses mécanismes s’impose. http://www.educavox.fr/formation/les-ressources/du-moyen-age-a-internet-les-ressorts-de-la-rumeur
De plus en plus les lecteurs doutent de l’information préférant " des paroles libres et multiples " et ceci est particulièrement sensible lors de mouvements sociaux. Exemple de radio croco, la radio pirate de la maison du peuple occupée.
Chacun veut sa version de l’histoire et en politique comme dans les médias, nombreux sont ceux qui ne veulent plus de la « représentation » par quiconque, élu au suffrage universel ou reconnu par l’institution comme professionnel. Il en est de même pour de nombreuses professions d’ailleurs, le diagnostic du médecin est vérifié sur internet, et l’enseignant est chaque jour remis en cause par les parents ou les élèves. C’est bien la représentation démocratique qui se joue là.
La consommation quand je veux
En ce qui concerne les loisirs, l’accès à la musique, aux films, à l’information au moment que je souhaite est devenu possible. La télévision s’adapte à ces nouvelles pratiques.
Si on en croit http://www.frenchweb.fr/les-videos-produites-pour-le-web-surpassent-le-legendaire-prime-time-aux-etats-unis/242079?, pour la première fois outre-Atlantique, les vidéos Web "originales" ont surpassé la popularité des émissions en prime-time diffusées sur les chaînes TV américaines, d'après une étude de l'IAB et l'institut GfK publiée mercredi 11 mai. De fait, 62% des spectateurs interrogés ont indiqué qu'ils préféraient regarder ces vidéos produites et diffusées uniquement sur le Web, que les programmes TV diffusés en première partie de soirée.
Chacun veut choisir le moment idéal pour les regarder.
A l’école les temps sont contraints et subis.
L’élève ou l’étudiant peut-il avoir recours à internet pour obtenir au moment où il le souhaite l’information utile ? Il y a là, certes, dans l’accès différé, des apprentissages forts utiles, tels que la construction du savoir être, la possibilité de réponses plus réfléchies, plus complexes, l’apprentissage de la gestion de projet …Ne devrions nous pas nous interroger sur ces questions et associer l’élève à cette réflexion ?
J’ai plaisir à citer Jean Paul Moiraud :
« Je crains que dans ces scénarios technophiles, on ne voit émerger des analyses où les temps et lieux d’apprentissage soient ceux des temps et lieux intersticiels, ceux des déplacements, des temps d’attentes dans le gares … Le saint graal de l’homme pressé, du temps compté, séquencé en mode ROI, en temps utile. Le temps non identifié et le lieu non connecté sont anxiogènes.
La mobilité a du sens, elle est utile, je l’aime mais à la condition de l’analyser aussi au regard des bienfaits et des vertus de l’immobilité, du temps long, du temps non compté. Être mobile c’est avoir compris les charmes de l’immobilité ».
Education aux médias
C’est aussi un des enjeux de l’éducation aux médias et chacun sait qu’il faut accompagner bien plus encore, apprendre à décrypter, apprendre à publier, à utiliser les réseaux sociaux que les jeunes pratiquent quotidiennement.
Les parents s’emparent aussi de ces questions.
A titre d’exemple, à l’ESPE d’Aquitaine, lors d’un colloque « Translittératie et affiliations numériques » Mickaël Le Mentec, ingénieur de recherche à l’Université Rennes 2, docteur en sciences de l’éducation, membre du GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) M@rsouin a présenté un projet ANR intitulé « Ineduc » centré sur les inégalités éducatives.
Durant ce projet, le chercheur s’est intéressé au parcours éducatif des adolescents, en croisant leurs parcours scolaires, leurs loisirs, leurs activités numériques. Ce projet a cherché à comprendre s’il y existe des différences territoriales, et la façon dont ces différences se traduisent en inégalités.
« On peut parler de culture numérique juvénile. Dans ces grandes familles d’usages, il y a une très grande variété des pratiques au niveau des contenus qui sont regardés en fonction du milieu social, du genre, de la place dans la fratrie et même du territoire.
Suite à ces constats, le chercheur pose la question suivante : « Face à ces pratiques, quelle est la régulation ? »
Durant le projet « Ineduc », 3350 élèves de 4ième ont été étudiés. Les résultats montrent que les compétences et les connaissances sont différentes. Par exemple, un tiers des élèves ne sait pas régler les paramètres de confidentialité sur Facebook, les informations d’ordre privé et public, 40 % ne font la distinction entre plateformes de téléchargements légales et illégales. Le milieu social apparaît particulièrement discriminant. Les familles ne sont pas égales dans la manière dont elles accompagnent leurs enfants. Le rapport entre famille et école est différent. Les résultats du projet INEDUC montrent que, quel que soit le milieu social, les parents partagent les mêmes objectifs d’éducation : ils veulent tous que leur enfant réussisse à l’école, qu’il soit heureux, qu’il ait un bon travail plus tard. Ces objectifs relèvent de la sécurité affective, sociale et scolaire de l’adolescent.
Les parents des milieux favorisés et très favorisés sont très attentifs : leurs enfants sont encadrés plus quantitativement et qualitativement que les enfants des familles des milieux moins favorisés, ils subissent davantage d’interdictions, de restrictions. La régulation domine. » En lire plus.
« Translittératie et affiliations numériques » : Accès à tous les articles
De nombreux acteurs
Aujourd’hui chacun veut s’emparer de ces questions d’Education aux médias sachant bien que dans les classes, il est très difficile de travailler sur le flux…
Il reste donc la possibilité d’entrer dans des projets ce qui donne l’avantage de permettre aux jeunes de s’approprier les questions hors des séquences moralisatrices « faut pas parce que »)
Ainsi, par exemple, le concours des Trophées EDUCNUM dont Educavox est partenaire, « pour un usage responsable d'internet », proposé par la CNIL et soutenu par le ministère, en est une illustration, de même que le développement des formations des enseignants en matière de protection des données personnelles et de la vie privée. http://www.educavox.fr/accueil/breves/co-creation-de-projets-trophees-educnum
Les trophées seront remis le 10 juin : http://www.educnum.fr/laureats-trophees-educnum-a-futur-seine-10-juin/
Un autre exemple, T’as Tout Compris, un magazine pour apprendre à mieux décoder le flot d’images et d’informations animé par Hélène Roussel, en partenariat avec le Clémi, le réseau Canopé, est proposé par les rédactions de France Télévisions et FranceTV Éducation, souhaite donner la parole aux jeunes. http://www.educavox.fr/formation/pratiques/decrypter-l-actualite-t-as-tout-compris
Education aux médias : Voir la sélection d’articles : http://www.educavox.fr/formation/pratiques/tag/M%C3%A9dias
La circulation des données, à petite vitesse
Axelle Lemaire a présenté le projet de loi pour une République numérique. La commission des lois, saisie sur le fond, a passé en revue les quelque 375 amendements, mercredi 6 avril sur ce projet de loi balayant trois grands aspects : “la circulation des données et du savoir”, “la protection des citoyens dans la société numérique” et “l’accès au numérique”.
Le titre I qui concerne « la circulation des données et du savoir » touche directement les collectivités locales. En défendant une logique d’ouverture par défaut des données, les partisans de l’open data n’ont pas trouvé un allié, en la personne du rapporteur du sénat. Son homologue à l’Assemblée nationale, Luc Belot avait été plus sensible au sujet. http://www.educavox.fr/toutes-les-breves/projet-de-loi-numerique-open-data-qui-pleure-thd-qui-rit
Les biens communs
Les ressources, les données numériques posent la question de la création et du partage, et par là même re- questionne le concept des Biens communs
« Les biens communs – ou communs – nourrissent depuis toujours les pratiques d’échange et de partage qui structurent la production scientifique et la création culturelle. Mais ils s’inscrivent aussi dans une perspective plus large de défense d’un mode de propriété partagée et de gestion collective des ressources, sur le modèle des“communaux”, ces ressources naturelles gérées par tous les individus d’une communauté. L’irruption massive du numérique dans la plupart des champs de l’activité humaine a permis de faciliter l’émergence de larges communautés distribuées, capables de se mobiliser pour créer et partager les savoirs. Ces communs de la connaissance sont autant de gisements d’initiatives, de créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif. »- http://www.educavox.fr/accueil/debats/promouvoir-les-communs-pour-une-societe-de-la-connaissance-partagee-et-inclusive-
Accès à tous les articles Biens Communs : http://www.educavox.fr/accueil/debats/tag/Biens%20communs
Les ressources éducatives
La question de la ressource utilisable en classe se pose d’une manière permanente et est de plus en plus sensible.
Les auteurs de manuels scolaires hésitent à laisser le modèle économique qui leur a réussi, tant que les classes n’utilisent pas toutes le numérique.
L'enseignant a aujourd'hui, besoin d'une multitude de ressources Numériques essentiellement transmédia et d'outils polymorphes et fonctionnels qui peuvent être scénarisés pour s'adapter à chacun des apprenants (Eduthèque)
Parmi l'énorme quantité de ressources que l'on trouve sur le web l'enseignant a le choix mais il rencontre deux difficultés majeures : comment faire ce choix pour répondre à son besoin et surtout comment scénariser ces ressources pour les adapter à ses élèves ?
Certes, les éditeurs proposent des ressources déjà scénarisées mais pour de nombreux enseignants leur inadéquation aux usages spécifiques qu’ils souhaitent mettre en œuvre les rend difficilement utilisables, à moins de "coller" totalement à la stratégie éditoriale du concepteur, ce que ne souhaitent pas de nombreux enseignants.
« La ressource pédagogique la plus intéressante, c'est celle que le professeur s'est lui-même construite. »
« Les enseignants extraient les médias qui les intéressent des scénarios pédagogiques que proposent les éditeurs - comme ils le faisaient d'ailleurs avec les manuels scolaires - pour construire leur propres ressources ».
De nombreux logiciels libres et gratuits sont disponibles sur le web que l'enseignant peut utiliser pour créer ses propres supports pédagogiques : chaînes éditoriales, création de QCM, PAO...
A lire, l’article de Claude Tran : http://www.educavox.fr/accueil/breves/des-manuels-scolaires-collaboratifs-coecrits-par-400-professeurs
La très grande dispersion des ressources et leur spécificité oblige à de sérieux efforts d'auto-formation. On comprend pourquoi alors Canopé se spécialise aujourd'hui dans l'offre de service aux enseignants leur permettant de construire leurs ressources. Partout en France, les sites du réseau Canopé se transforment et accueillent les enseignants et les partenaires de l'éducation au sein de nouveaux espaces ouverts et conviviaux, les Ateliers Canopé. Lire : http://www.educavox.fr/accueil/interviews/hackathon-canoprof
La refondation
L'école est bien en refondation. Le point d'étape de début mai en a témoigné. Même si l'incrédulité est de mise, même si les médias n'ont pas voulu voir ce qui changeait réellement et ce que cela impliquait en termes d'efforts. Bien sûr on ne peut se contenter de cette étape, et chacun a, là encore, sa propre vision de l'école, ce qui complique la tâche. Aux acteurs éducatifs de tous les niveaux de se mobiliser encore. En éducation rien n'est jamais achevé.
Voici quelques articles, débats, ressources : http://www.educavox.fr/component/k2/tag/Etape%20Refondation
Avons-nous entrepris un travail de Sisyphe ?
Nous vivons de nombreux paradoxes :
L’économie et le partage peuvent-ils être compatibles ?
Jean Tirole, Professeur d'économie, président, École d'Économie de Toulouse :
« La recherche du bien commun passe en grande partie par la construction d’institutions visant à concilier autant que faire se peut l’intérêt individuel et l’intérêt général. Dans cette perspective, l’économie de marché n’est en rien une finalité. Elle n’est tout au plus qu’un instrument ; et encore, un instrument bien imparfait si l’on tient compte de la divergence possible entre l’intérêt privé des individus, des groupes sociaux et des nations, et l’intérêt général » A lire l’article : http://www.educavox.fr/accueil/debats/ou-est-passe-le-bien-commun
Le temps de l’éducation et les usages sociaux adaptés aux flux rapides et disponibles peuvent-ils être compatibles ? Les usages sont différents à titre personnel et il faut certainement déceler dans certaines formes d'immobilisme une angoisse des enseignnats à "ne pas être à la hauteur" des enjeux, des questions techniques, de l'adaptabilité nécessaire au jour le jour. La profession a été construite sur la stabilité du métier, sur des contenus contraints dans les programmes, sur des temps séquencés et des espaces éducatifs ceints par l'espace scolaire.
Les contenus et les dispositifs des formations et l’adéquation à l’évolution rapide numérique de la société peuvent-ils être compatibles ?
Se posent d’une façon aigue, la cohérence d’une société morcelée en communautés où chacun voit midi sur sa montre connectée. Les « bastides » sont devenues numériques enfermées dans des réseaux, des plateformes et des flux parallèles de moins en moins visibles en terme d’universalité.
Ces bastides doublent les frontières et seules, l’économie et des données circulent à l’échelle mondiales, pas les mêmes modèles, pas à la même vitesse pour tous, pas de la même manière non plus. Comment, l’individu, le citoyen, peut-il construire un espace mondial démocratique et égalitaire ? Comment l'Education peut-elle en être un acteur majeur ?
Michelle Laurissergues
Présidente An@é
Dernière modification le dimanche, 12 juin 2016