« Force est de constater que l’on a réellement compris à tous les niveaux, familles, enseignants, collectivités, que le numérique (outils, réseaux, relations sociales et accès à la culture) était désormais un intermédiaire indispensable pour accéder à une infinité de moyens d’information, d’activités intellectuelles et culturelles qui permettent de construire un savoir et des compétences personnelles réelles. Or, ceci n’était pas, il y a peu, communément admis.
Et enfin, on a compris ce que sont les smartphones : des ordinateurs de poche ultra perfectionnés. Et dire qu’on les avait interdits à l’école ! »
Michel Pérez, président de l'An@é : https://www.educavox.fr/edito/le-confinement-et-apres-ou-comment-sortir-du-deconfinement
Jacques Puyou, Secrétaire national de l'An@é : Qu’est-ce que l’on aurait fait sans numérique ?
https://educavox.fr/accueil/debats/qu-est-ce-que-l-on-aurait-fait-sans-numerique
Et cependant : décrochage scolaire, perte de liens, nos extensions virtuelles, parce qu’elles nous sont devenues incontournables, nous font toucher du doigt leurs irrémédiables faiblesses : elles sont, aujourd’hui, un moyen dans et de l’isolement de l’individu.
Jacques Puyou: https://educavox.fr/accueil/debats/le-numerique-en-ersatz
Enquête SynLab : Confinement et décrochage scolaire
https://educavox.fr/toutes-les-breves/enquete-synlab-confinement-et-decrochage-scolaire
« Le numérique mis à l’épreuve » (L’édito du 15 mars :)
« Le numérique se confronte aujourd'hui à une réalité : le besoin. Certes, le contenu se doit d'être riche et varié (vidéo, animations, modalités d'interactivité...), avec une pédagogie plus complexe que celle de l'exposé linéaire, ce qui requiert des moyens importants et l'acquisition d'un savoir-faire spécifique.
Cependant, nous sommes là dans une expérience à grande échelle, confrontés à nos contradictions, confrontés aux vrais problèmes de l'enseignement : l'intérêt que trouvera l'élève et l'attention qu'il portera, la place de l'autonomie intrinsèque aux propositions d'apprentissage, la relation avec toutes les médiations qui permettent d'apprendre, les outils virtuels qui peuvent pallier les besoins techniques par exemple des lycées professionnels, la relation entre tous les membres de la communauté éducative dont les parents... »
https://educavox.fr/edito/le-numerique-mis-a-l-epreuve
Les failles sont vite apparues : matériels et infrastructures, inégalités d’accès, manque de formation des enseignants, non sensibilisation aux outils sécurisés, réalités sociales avec les parents contraints à assurer l’école à la maison dans des conditions souvent difficiles…
L’UNESCO préconise de mobiliser le potentiel de l’apprentissage familial et intergénérationnel mais souligne les difficultés :
« L’apprentissage familial et intergénérationnel est un apprentissage à domicile et au sein des communautés, y compris en ligne, et qui fait intervenir différents membres de la famille. Partie intégrante du concept bien connu d’éducation parentale, l’apprentissage intergénérationnel intègre la nature multidirectionnelle des interactions d’apprentissage dès lors que les enfants apprennent des adultes, les adultes des enfants, les jeunes enfants de leurs frères et sœurs plus âgés et d’autres membres de la famille. Il s’agit donc d’un processus d’apprentissage collectif au cours duquel toute la famille s’instruit ensemble. Des pratiques éducatives faisant appel à des approches d’apprentissage intergénérationnel et familial ont été mises en œuvre sur la planète dans des contextes culturels, sociaux et économiques divers. Au sens étroit du terme, les mesures éducatives sont souvent centrées sur la responsabilité des parents pour la réussite scolaire des enfants et le développement et la culture chez ces derniers d’une attitude positive envers l’école.
On a avancé que la différence de degré et de qualité du soutien apporté aux enfants lors de l’apprentissage à domicile constitue l’un des principaux facteurs de prédiction de leur réussite scolaire.
Avec la crise actuelle, les familles doivent contribuer à l’enseignement à distance des enfants. En réalité toutefois, beaucoup de parents éprouvent des difficultés à s’acquitter efficacement de cette tâche car ils doivent gérer conjointement le travail de bureau et la garde des enfants. Les femmes assument la majeure partie de cette tâche en raison du rôle-clé qui leur incombe fréquemment en matière de soins aux enfants et d’accompagnement de leur scolarité. Comme par ailleurs les services d’aide sociale ont été interrompus ou ne sont plus disponibles, les familles, enfants compris, sont nombreuses à reprendre des activités génératrices de revenus supplémentaires. L’accroissement de la pression financière sur les familles pauvres, outre les problématiques sociales qui existaient déjà avant la crise, contribue à augmenter les cas de violence domestique dans le monde entier.
Mobiliser le potentiel de l’apprentissage familial et intergénérationnel par l'UNESCO ; https://www.educavox.fr/accueil/breves/mobiliser-le-potentiel-de-l-apprentissage-familial-et-intergenerationnel-par-l-unesco
Jennifer Elbaz, Vice-présidente de l'An@é interroge la relation famille/enfants dans le cadre de « l’école à la maison »
Gérer l’école à la maison sur un temps conscrit, bon, on peut l’entendre. Mais sur une longue période c’est impossible… Par ailleurs, ce qu’on appelle nous parents, « école à la maison », c’est au mieux, une bonne demi-journée de travail scolaire ? Non seulement nos espaces de vie ne sont pas conçus pour le travail scolaire sur la longueur, même en l’ayant aménagé pendant le confinement, mais surtout… être enseignant ne s’improvise pas !!
Il faut interroger la relation que nous avons, nous, parents, à nos enfants, que le travail scolaire soutenu modifie considérablement.
D’ordinaire, nous sommes déjà les empêcheurs de tourner en rond, les fixateurs de limites professionnels. Un peu comme un sketch permanent, un running gag pendant lequel nous fixons des limites que les enfants passent leur temps à tenter de contourner, franchir, détruire.
Ajouter en plus le scolaire, c’est réduire considérablement, de fait, le temps détendu avec nos enfants.
Parce que les autres temps de nos vies de sont pas réduits. Toujours autant de temps de travail, les temps de gestion de la maison reste le même, donc ajouter le scolaire sur le temps qui reste, c’est baisser de fait, le temps dit « de qualité » avec nos enfants. A moins d’augmenter le nombre d’heures d’une journée, solution pour laquelle je suis prête à militer activement immédiatement.
Je lis ici et là que les élèves 2020 sont de fait de mauvais élèves, qu'ils n'ont pas acquis ce qu'ils devaient acquérir et que cela ne se rattrapera jamais. Comme l'exercice de notre parentalité est très perturbé aussi, nous sommes donc tous de mauvais parents ?!
Mauvais parents, mauvais élèves, et ces derniers jours la presse nationale adore le buzz suscité par l'idée de mauvais enseignants.
Décidément...
https://www.educavox.fr/accueil/debats/parents-en-2020-l-impossible-mission
Franc Morandi, Professeur émérite, Université de Bordeaux souligne les fractures qui en traversent les usages, mises en lumière en période de crise.
« Dans la relation famille-école les parents avaient tendance à mettre le curseur du côté de l’école. Or, l’inverse se produit : c’est vers « la maison » que se tourne l’école pour assurer la continuité éducative.
Une des originalités du moment est que les parents ont été –explicitement ou explicitement – sollicités à prendre une responsabilité dans l’« école à la maison ». Celle-ci devient le lieu du « à distance » et de son intégration dans le temps individuel et familial. Mais tous les parents peuvent-ils y faire face ? La question est socialement diffusée dans l’urgence (« ce sont les parents qui doivent faire l’école » ?) : elle amène à de nouvelles fractures dont on peut mesurer les conséquences. Les rôles doivent être redéfinis.
Le confinement n’a eu de sens, et n’a été vécu que dans la logique possible d’un monde tiers numérique. La classe « augmentée » - le numérique y est toujours présent – fait partie des opérateurs qui ont servi à un nouveau partage du temps, de l’espace et des ressources, et aussi de leur accompagnement
Le numérique va de soi tant qu'il est au centre d’une sociabilité maintenue et développée et d’une offre pédagogique : ressources, classe à distance, rôle de l’information.
Les chaines du Service public, renouant avec l’idéal de la télévision scolaire, ont offert des programmes éducatifs (dont les classes à distance : cf Lumni, France TV), le dispositif « Eduscol, continuité pédagogique » (https://eduscol.education.fr/pid39543/continuite-pedagogique.) ainsi que le dispositif Ma classe à la maison (https://college.cned.fr.).
Le numérique, comme l’ensemble des médias d’information et de communication, ont été le noyau de l’école à la maison. Si les usages sont divers (de Pronote à Padlet), il est présent dans toutes les reconfigurations de l’espace social et éducatif, (ou dans les souhaits émis). Nos humanités –au sens premier du faire école- sont devenues numériques. Et la famille et l’école ne se sont unies ou opposées qu’au travers de la trame des échanges numériques.
Mais ce qui préoccupe dans le numérique c’est son usage quotidien et intégré, autant que les fractures qui en traversent les usages, mises en lumière en période de crise.
Les écarts de pratiques des enseignants comme celles des élèves apparaissent comme autant de fractures-obstacles : structurelles (les espaces numériques de travail – les ENT – n’ont pas été prévus pour l’enseignement à distance de masse) ; ou matérielles (tous ne sont également équipés : messagerie, logiciels éducatifs, imprimantes, scanner, ou ordinateur disponible par enfant dans toutes les familles).
L’accompagnement est un point central : tous les parents ne sont pas en compétence de comprendre les difficultés propres aux apprentissages, à leur organisation, autant que de maîtriser le numérique. A cela s’ajoute les profils différents des élèves ; ceux qui ont refusé l’école à la maison, ceux qui ont désinvestit l’école, ceux qui ont perdu pied, ceux qui se sont perdus devant leur écran, ceux donc l’isolement a été trop prononcé dans la logique numérique. L’« école à la maison » n’a pas été une école en ligne.
Beaucoup d’enseignants se sont employés à répondre à l’exigence de continuité et à développer un usage éducatif adapté du numérique, au-delà de la multiplication du « travail à la maison ».
Les usages ont procédé de logiques et d’opportunités diverses : présentiel en ligne collectif, par cluster, ou individuel ; dépôt de travaux (exercices, recherches, ...) ; capsules produites par les élèves ; travail interactif par cluster ; espace ressources : sites, documents ; « tutos » pour le travail chez soi, etc... Les usages repérés ne relèvent pas d’une grammaire d’emplois préprogrammés, mais de développement d’usages accompagnés techniquement, relevant de la situation de confinement et du contexte scolaire.
L’évolution des usages lors de l’expérience de cette école hors mur pose la question de formes pérennes qui peuvent redéfinir le temps des études, sous le mode du travail à distance, en tenant compte des limites apparues lors du confinement. Ce qui est interrogé c’est une nouvelle socialité scolaire, un rapport collectif-individualisation aménagé, par exemple au-delà de la forme obligée des clusters, autour d’espaces de travail collectifs et de nouveaux temps présentiels articulés aux apprentissages.
https://www.educavox.fr/accueil/debats/l-ecole-a-la-maison-billet-de-deconfinement-par-franc-morandi
Amélie Vacher, Professeur des écoles : Les enseignants ont mis en œuvre une continuité pédagogique, entre fracture numérique et système D.
« Huit semaines passées de continuité pédagogique et l’envie de partager quelques observations après avoir mené une petite enquête écrite et orale auprès des parents et élèves de ma classe de CM2.
D’après ce que j’observe, la fracture numérique ne concerne pas seulement le manque de matériel informatique dans les foyers. Elle s’étend aux habitudes des familles et des élèves, aux usages de ce matériel et concerne également les possibilités d’accès à internet en termes de débit.
Amélie Vacher : https://educavox.fr/accueil/breves/continuite-pedagogique-fracture-numerique-et-systeme-d
Autres contributions :
Sylvie Storti, PEMF, Erun, administratrice An@é :
https://educavox.fr/accueil/breves/comment-allons-nous-finir-l-annee-prenons-des-nouvelles-des-enseignants-confines-et-surinvestis
https://educavox.fr/innovation/dispositifs/plus-proches-et-pourtant-chacun-chez-soi
Céline Coulpier :
https://educavox.fr/accueil/interviews/et-la-distance-dans-tout-ca
Barbara Richard, Délégation Académique aux Relations Européennes Internationales et à la Coopération (DAREIC)
https://educavox.fr/innovation/pedagogie/la-continuite-pedagogique-et-l-ouverture-sur-le-monde
Gilles Le Page : La formation à distance, ça marche !
https://educavox.fr/innovation/dispositifs/la-formation-a-distance-ca-marche
Jacques Dubois : Continuité, éloignement et synchronisme
https://educavox.fr/formation/analyse/continuite-eloignement-et-synchronisme
Anne Lehmans, Chargée de mission sur les usages numériques à l'INSPE de Bordeaux à l'Université de Bordeaux, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication :
Elle souhaite des évolutions suite à cette période : comment ne pas voir les perspectives d'une modularité rendue possible ?
Nous avons alors appliqué ce que nous savions déjà : l'obligation de réduire voire de supprimer la relation pédagogique magistrale unilatérale, totalement inefficace à distance (le cours filmé), celle de ne pas chercher à retenir l'attention soutenue des étudiants plus de 4 heures, voire 2 heures par jour, mais de privilégier des travaux collaboratifs et autonomes, celle de respecter les contraintes de chacun, les enfants qui viennent voir, la connexion défaillante, l'angoisse qui submerge et le besoin de parler.
En échangeant avec les étudiants qui sont aussi souvent des enseignants, plusieurs m'ont dit avoir expérimenté avec bonheur les potentialités collaboratives du numérique, la facilité d'organiser des ateliers, de laisser des élèves même jeunes travailler ensemble de façon créative, avec des outils très divers, souvent bricolés, mais efficaces.
Des conseillers pédagogiques ont observé un basculement majeur chez les enseignants de ce point de vue, et les barrières tomber sur la crainte de ne pas savoir faire, de se laisser déborder, de ne pas maîtriser.
Mais la prudence est de mise.
Alors que l'on se demandait, il y a quelques jours encore, si le monde d'après le confinement serait meilleur, si la réalité statistique de la mort nous ferait réfléchir, si les questions environnementales allaient enfin être des préoccupations partagées, si la solidarité allait durer et les choix politiques être revus, ce que je vois dans les rues et dans la presse semble donner raison à Michel Houellebecq, pour qui "tout restera exactement comme avant, le monde sera le même en un peu pire" (France Inter, Lettres d'intérieur, 2 mai 2020).
On peut espérer que pour l'éducation, ce ne sera pas le cas. Que l'expérience aura permis de faire des choix éclairés car expérimentés entre ce que vous voulons et ce qui nous est imposé, et une fois encore, de considérer la complexité, de ne pas tout accepter ou tout rejeter.
Les directives institutionnelles nous invitent à basculer dans une "hybridation" généralisée des formations, dénoncées par les syndicats enseignants comme une fausse solution et un moyen détourné de faire des économies, à partir d'une situation de crise qui deviendrait une aubaine. Là encore, la prudence est de mise. Que l'échange humain et la proximité soient indispensables à la relation pédagogique, nul ne le met en doute. Difficile d'imaginer une rentrée à distance, des étudiants qui ne pourraient pas créer de lien entre eux en échangeant des regards, des enseignants dont les paroles seraient filtrées par des câbles.
Mais comment ne pas voir les perspectives d'une modularité rendue possible, d'une alternance de temps d'enseignement et de temps de projets, les opportunités de repenser intelligemment l'apprentissage dans sa globalité plutôt que dans le temps découpé des heures de cours et l'espace finalement confiné de la classe ? Tout cela nécessite une réflexion et une réforme profondes de l'organisation des enseignements qui tienne compte de la réalité du travail de chacun, parce qu'enseigner comme apprendre à distance, c'est compliqué.
Cette expérience de formation à distance contrainte et plus ou moins efficace incite fortement à repenser les espaces, les temps et les formats des apprentissages, la forme scolaire, la relation pédagogique.
Si l'on est honnête, on sent bien que le travail à distance peut apporter quelque chose ;
D’abord en permettant à tous d'accéder à la formation, ce que nous faisons quand nous proposons des solutions aux étudiants empêchés ou éloignés, qui seraient exclus sans elles ; ensuite en permettant de diversifier la pédagogie et de laisser un peu de place au travail autonome, aux pratiques des élèves ou des étudiants, qui savent souvent bricoler et jongler d'un média à l'autre, d'une application à l'autre pour construire une situation finalement efficace et collaborative.
Une enquête que nous avons mise en place auprès des formateurs et des étudiants à l'INSPE de Bordeaux indique que 70% des formateurs, 90% des étudiants pensent avoir acquis pendant cette période des compétences nouvelles transférables. L'expérience n'est peut-être pas alors tout à fait négative, l'école de demain ne sera peut-être pas "un peu pire".
Vincent Liquète, Professeur en sciences de l’information et de la communication préconise
Premièrement, que tout enseignant, que tout responsable pédagogique s’assure avant de mettre en œuvre une situation de travail centrée numérique, que chaque élève/étudiant ait les conditions matérielles et techniques de pouvoir les réaliser sans avoir à mettre en œuvre de multiples stratégies pour y parvenir. Lorsque pour quelques-uns d’entre eux, les conditions n’y sont pas, ne pas hésiter à dédoubler l’initiative, à la réorienter voire à renoncer. En se souvenant bien qu’au cœur de l’enseignement, se trouve la relation à l’Autre, la communication et l’attention à chacun.
Deuxièmement, il est essentiel, voire effectivement urgent, de mettre l’information, les médias, et plus largement, les questions de circulation des savoirs et des industries de la connaissance au cœur de l’enseignement.
Penser que l’on trouverait l’alternative par le distanciel figerait tout autant l’organisation du travail scolaire, pire encore, en augmentant les points aveugles liés aux difficultés de l’élève.
Il s’agit dès lors, de penser le métier d’élève et l’évolution évidente du monde.
Essentiellement en créant des espaces de travail collectifs, des espaces d’analyse des médias de masses, des espaces de vie et d’échange au sein des écoles, et en revoyant le temps scolaire entre cours, activités résolutives de tâches, activités de productions, activités d’échange, sans pour autant mettre les élèves à distance ou chez eux. Car, selon moi, mettre les élèves à distance serait le meilleur moyen de renforcer les inégalités sociales dont nous parlions plus tôt. Nous devrions plus nous inspirer des démarches menés ailleurs, au sein de l’école inclusive, de systèmes éducatifs européens etc.
Mais transformer obligera chaque enseignant à céder un peu de son domaine pour construire de la nouveauté avec les autres et surtout les autres disciplines. Ce changement d’échelle obligerait également à revoir les conditions de recrutement et de formation initiale des enseignants.
Jacques Cool, directeur Cadre 21 (Québec) : La formation initiale et continue des enseignants, actualisées, sont d’une importance incontournable.
Cet article d’Andy Hargreaves capte mon attention. Hargreaves nomme cinq enjeux qui nous attendent : le soutien additionnel aux élèves plus vulnérables, la priorisation du mieux-être chez tous, la valorisation de la profession enseignante, la juste place de la formation professionnelle, l’optimisation (pas la maximisation) du numérique en enseignement.
C’est donc, à mon humble avis, un appel retentissant aux leaders en éducation (conseillers, directions, gestionnaires et gouverne) à faire preuve plus que jamais d’une belle audace créative, avec l’excellence (lire ici : savoir bien répondre aux ‘nouveaux’ enjeux mis en lumière par la crise) en filigrane. Imaginons, osons, déployons, mesurons, ajustons et osons encore. Plus concrètement, je prédis un bel essor pour l’hybridation de l’offre-école (mix présentiel et numérique, nouvelles stratégies pour un engagement affectif et cognitif dans des tâches pertinentes, le lien élève-enseignant, élève-élève et le lien école-famille en surbrillance. Bref, le M et le R de SAMR. Soyons astucieux et accompagnons nos équipes dans cette mutation professionnelle et sociétale, pour un passage d’un système d’éducation à un écosystème d’éducation.
Et maintenant, qu’allons-nous faire ? : https://educavox.fr/innovation/didactique/et-maintenant-qu-allons-nous-faire
Laurent-Pierre Gilliard, Directeur Prospective et Communication à UNITEC & Maître de Conférence associé à Université Bordeaux Montaigne / ISIC :
Il nous livre ses réflexions sur notre attention au travail face aux visioconférences et autres espaces virtuels. L’environnement virtuel facilite ce qui exigeait traditionnellement une expérience physique.
L'ingrédient clé est l'environnement spatial simulé et l'idée que vous puissiez vous promener physiquement dans l'espace comme si vous étiez dans une situation réelle. Un tel environnement recrée la sensation d'être physiquement présent avec d'autres personnes et cela même si vous êtes dans un environnement entièrement en ligne. Aaron Frank reconnait toutefois que quelques rares personnes ont rencontré des problèmes techniques comme des soucis audio ou de diffusion de diapositives par exemple. Dans ce type d’espaces numériques les néophytes tendent à surréagir face à toutes difficultés, si mineures soient-elles.
Le confinement, le télétravail ou l’univers du jeu sont en train de changer la façon dont nous pensons la socialisation et le travail dans son ensemble. Visioconférences et plateformes de réalités virtuelles vont s’intégrer dans nos environnements de travail peu à peu, soit de manière imposée, et les blocages vont être nombreux, soit de manière réfléchie, ludique, et en comprenant les avantages offerts pas ces outils.
Sabrina Caliaros, Déléguée académique au numérique éducatif au Rectorat de Montpellier : penser le numérique pour l’éducation dans un espace-temps pédagogique en transformation.
L’ensemble de la communauté éducative doit se rassembler pour repenser les espaces et temps éducatifs et les espaces et temps scolaires. Il s’agit de penser le numérique pour l’éducation dans un espace-temps pédagogique en transformation. Les états généraux du numérique dans les territoires puis au national, à Poitiers en novembre prochain nous donneront l’occasion de nous exprimer sur ces sujets et d’imaginer l’école de demain.
Caroline Levacher, Directrice de l'Atelier Canopé de Lot-et-Garonne : Chacun va tirer partie de ce qui s’est joué pendant 2 mois.
- La manière de communiquer avec les familles, avec les élèves, l’utilisation des ENT qui est devenue évidente, l’utilisation des classes virtuelles qui a montré sa puissance de partage aux enseignants, mais aussi l’utilisation de la vidéo, du son, des logiciels exerciseurs, des chaînes d’apprentissages type ARTE, LUMNI ou autres… Il faut absolument continuer à proposer des choses adaptées par le biais de ces dispositifs. Le Réseau Canopé va continuer à travailler en ce sens.
- La possibilité d’utiliser à bon escient présentiel et distanciel est capitale pour l’avenir. Les enseignants doivent pouvoir « piocher » dans ce creuset distanciel des ressources, quand ils en ont besoin, et l’offre doit être conséquente et sans cesse renouvelée.
L’urgence des réseaux internet est fondamentale. On a mis en évidence que certains territoires ne pouvaient pas accéder aux différentes plateformes proposées lors de la période de confinement, car les couvertures sont encore moyennes dans certains territoires.
La capacité des plateformes à supporter les connexions est aussi un point important à travailler. On a vu un gros problème au début du confinement car toutes les plateformes tombaient les unes derrière les autres du fait d’un trop grand nombre de connexions.
Enfin, l’organisation du travail au sein d’une équipe d’établissement est essentielle. En effet, on n’est jamais un enseignant seul face à des élèves, mais bien un enseignant au sein d’un établissement.
Cette période a montré la nécessité d’établir correctement un projet d’établissement et de définir très clairement un plan d’actions, ou l’enseignant est le principal maillon. Le confinement a montré avec une grande intensité que les relations humaines sont indispensables et que le numérique n’est bien qu’un dispositif pour faciliter ces relations.
Jennifer Elbaz pose la question des plateformes de ressources, de l'exploitation des données, des conflits public/privé
L’éducation n’est pas un produit comme un autre, ainsi, ce n’est pas une campagne marketing mieux ficelée que des contenus qui permettrait de parler aux enseignants et les convaincre de cliquer. Ouf.
Voilà qui pose aussi la question de la créativité et de la qualité des contenus. Les plateformes obligent à un certain conformisme. Pour subsister, quel que soit le service concerné, il faut plaire au client, il faut déclencher du clic. Faire comme ceux qui fonctionnent bien.
https://educavox.fr/accueil/debats/le-bonheur-est-dans-la-plateforme
Avant d’utiliser un outil privé, quelques bons réflexes à adopter par la CNIL
En cas de recours à des outils (ressources pédagogiques, messageries, applications…) d’acteurs privés, il est indispensable de privilégier ceux qui se conforment aux règles de protection des données.
https://educavox.fr/formation/outils/outils-de-la-continuite-pedagogique-les-conseils-de-la-cnil
Yves Ardourel : Un autre regard sur le numérique, la crise sanitaire, sans aucun doute nous y invite
On sait combien l’inclusion du numérique dans la société se décline en termes d’accès aux équipements et à l’acquisition de compétences cognitives. A cela doit s’adjoindre une réflexion déontologique sur l’usage responsable (le respect et la prudence), sur la sobriété numérique (l’efficacité sans le gaspillage), sur la création et la liberté.
Il y aura d’autres crises, sanitaires, financières, climatiques, alimentaires, peut-être même plus graves : le numérique aura encore à apporter son soutien. Nous savons maintenant que le numérique n’est pas une couche de plus à la complexité des sociétés contemporaines, c’est un fondement structurant, nécessaire à la cohésion et à la résilience. Veillons donc collectivement dans ce domaine à sécuriser nos accès, à renforcer nos compétences, et à approfondir le sens de cette mutation.
Yves Ardourel, maître de conférences retraité en sciences de l'information et de la communication à l'IUFM Midi-Pyrénées
https://educavox.fr/accueil/debats/crise-sanitaire-2020-un-nouveau-regard-sur-le-numerique
Jacques Dubois, Délégation Régional du Numérique pour l'Éducation - région académique Bourgogne-Franche-Comté : Apprendre du confinement
Le confinement que nous vivons est un contexte exceptionnel, qui nous a tous bousculés dans notre vie et notre organisation, aussi bien au niveau personnel que professionnel. Il nous a forcé à évoluer, à essayer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils, en un mot à ‘apprendre’.
https://educavox.fr/innovation/didactique/apprendre-du-confinement
Robert Sauvaget, Inspecteur Education Nationale, administrateur An@é dans une lettre ouverte aux acteurs de l’école et plus largement aux citoyens engagés propose :
- De repenser la communication avec les familles et mettre en place une réactivité pour répondre aux inquiétudes des parents (listes de diffusion…).
- De mieux s’approprier les outils numériques en mesurant que certains outils académiques ne sont pas adaptés à la densité des informations communiquées ; l’usage de nouveaux mode de communication (visioconférence, listes de diffusion, classe virtuelle, cours en ligne, vidéo explicative/classe inversée…) a permis de découvrir d’autres modalités de travail et d’échange (dynamique d’équipe).
- De mettre en place des activités différenciées en fonction des besoins identifiés (personnalisation des parcours scolaires avec l’usage des outils numériques…) ;
- D’organiser l’archivage de données numérisées liées aux travaux et résultats des élèves en lien avec les autres traces écrites.
- De former les Directeurs à ces usages dans la perspective du pilotage d’une école, du management d’une équipe et de l’élaboration d’une démarche cohérente de communication avec les partenaires de l’école.
- De développer le prêt de matériel aux élèves (tablettes…) et de supports pédagogiques de base (manuels, fichiers…) pour certaines familles défavorisées.
- De poursuivre l’accompagnement personnalisé des équipes pédagogiques par l’équipe de Conseillers pédagogiques et l’Inspecteurs de l’Education nationale.
- De développer les formations à l’enseignement à distance et aux usages des outils numériques dans le cadre de la formation statutaire des enseignants.
- De doter de matériel numérique adapté les enseignants avec des accès facilités à Internet et aux applications ; doter de tablettes pour les élèves afin de maintenir un lien pédagogique (élément pour une « hybridation » de l’enseignement).
- De poursuivre la dynamique d’équipe et la réflexion collégiale engagée.
- De conforter le rôle de coordonnateur du Directeur qui pilote localement les dispositifs pédagogiques et la communication avec les familles et partenaires institutionnels
Une réflexion très ancienne autour du rythme scolaire, des alternances temps de classe/temps périscolaire, des projets éducatifs partagés ou transversaux, de la place des parents à l’école, des équilibres sur l’année entre période de classe et vacances…
L’épidémie, le confinement et la période de reprise progressive interrogent à nouveau ces dimensions du « scolaire », « domaine éducatif partagé », « périscolaire et parascolaire »…
- Il est nécessaire d’établir des règles pour organiser l’hybridation d’un enseignement en présentiel et à distance : travail en équipe pédagogique, rôles des élèves et parents…
- Il s’agit de mettre en place des formations spécifiques pour mieux maîtriser les modalités d’organisation d’un enseignement à distance (contenus, outils et applications numériques, partenaires…).
- Peut-être s’agira-t-il d’organiser une plus grande coordination entre le scolaire et le périscolaire en termes de contenus et de projets, en respectant les spécificités de chaque institution et avec des formations communes ; l’école pourrait devenir le lieu central d’un ensemble d’actions éducatives avec une complémentarité d’acteurs en lien avec les besoins identifiés chez les enfants… Mais il est nécessaire de rappeler également les missions de chacun et la particularité du processus d’apprentissage qui nécessite une expertise détenue par les enseignants…
- L’aménagement des locaux, des cours de récréation, des espaces collectifs et des mobiliers reste d’actualité dans la perspective d’une circulation aisée des personnes, du travail en groupes, du climat scolaire et des relations à établir au sein d’un espace plus accueillant…La responsabilisation des équipes locales qui ont acquis une expérience et pourront s’engager dans les réflexions collégiales menées également en partenariat…"
Armelle Gilliard, membre associée de la Coopérative d’Activité et d’Emploi Coop pense que l’école devrait permettre d’être citoyen autonome et actif de mon territoire.
Où on y apprend à vivre en paix, en harmonie avec les autres, à reconnaitre la diversité dans les autres, à faire des projets avec les autres, à avoir de bonnes et utiles connaissances pour vivre ensemble (gouvernance partagée, communication non violente, découverte des cultures….). On y apprend aussi les bases de la vie quotidienne
Je pense que les élèves ne devraient pas être passifs par rapport au bâtiment école. Ils devraient en connaitre les différents aspects et participer à son amélioration. Donner des opportunités de passer du faire au savoir et inversement.
Ainsi pour les enfants, l’école serait vécue comme un patrimoine commun auquel ils participent vraiment. Le projet de l’école partirait de la vie quotidienne de l’élève, lui ferait prendre conscience que sa vie est reliée à celles de nombreux autres acteurs
« Il s'agit également de sensibiliser les enfants...Santé, métiers, les regards se sont centrés sur la prévention, la santé et sur des métiers invisibles.
Joël de Rosnay : Plus que jamais, l’école est l’endroit idéal pour former et informer aux gestes quotidiens qui permet de maintenir une bonne santé, ou d’éviter les risques de contamination lors de pandémies qui ne manqueront pas de revenir. Jadis, dans les petites classes il existait des cours d’hygiène. Malheureusement ces cours ont disparu et c’est bien dommage quand c’était le moyen de former les enfants très tôt dans la vie à des gestes essentiels au maintien d’une bonne santé.
J’ai créé un terme à côté de la biologie, c’est celui de bionomie. Il vient de bios, le vivant et nomos, la règle. La bionomie c’est le management de la vie, de sa propre vie mais aussi de la vie en général sur la planète. Apprenons très tôt à nos enfants à être bionomes, comme on leur apprend à être économes. »
Joël de Rosnay : Apprenons très tôt à nos enfants à être bionomes
Ninon Louise Le Page : « La pandémie a mis en évidence nos services de santé et a aussi attiré notre attention sur certains emplois fondamentaux au fonctionnement de nos sociétés. Au lieu d’avoir des systèmes éducatifs verticaux qui visent à mener le plus d’étudiants possibles vers les universités, imaginons un système éducatif plus horizontal où chacun peut explorer les véritables talents par lesquels il peut gagner sa vie : jardinier, couturier, boulanger, organisateur communautaire, fermiers …
On entend aussi les gouvernements imaginer une reprise économique « verte », ce qui demandera de nouveaux domaines d’instruction des citoyens.
C’est possible et désirable de penser l’instruction avec créativité pour répondre à l’évolution des besoins de cette société en mutation issue de la pandémie. »
Scolariser, instruire, éduquer : Des écoles en transition
https://educavox.fr/innovation/dispositifs/scolariser-instruire-eduquer-des-ecoles-en-transition
Dans l'école d'après, Patrick Figeac, Proviseur honoraire, Radio 4 : tirer collectivement les leçons de la période que nous venons de vivre
- Travailler en interdisciplinarité les questions scientifiques, économiques que l'épidémie a mis en exergue.
- Mettre en commun les journaux personnels tenus par les élèves, les enrichir par des recherches en groupes, inviter la musique, la poésie. Retisser ce lien social que le confinement a mis à mal. De belles aventures à vivre dans les classes et les établissements.
- Apprendre à nos jeunes à aborder, à tenter de prévenir les crises futures : climatiques, sanitaires, économiques, politiques.
- Leur apprendre la pensée complexe, systémique en travaillant ensemble “ les uns avec les autres et non les uns contre les autres ”, dans un enseignement pluridisciplinaire.
Sébastien Gouleau, Délégué académique au numérique éducatif au Rectorat de Bordeaux: " Il nous reste encore une grande marge de progression "
Équiper et connecter sont deux conditions nécessaires mais non suffisantes. Nous devons accompagner les familles dans l’usage.
La mise en œuvre de la certification des compétences numériques au collège et au lycée va dans ce sens. C’est en accompagnant les enfants dans l’acquisition de nouvelles compétences numériques que nous réussirons à réduire ces inégalités puisque les enfants seront à leur tour en capacité d’accompagner leurs parents dans les gestes numériques quotidiens.
Une fois formé, les parents auront à cœur de jouer leur rôle de parents pour accompagner leurs enfants dans l’usage raisonné du numérique.
Peut-on repenser, comment et avec qui, les espaces et temps éducatifs et les espaces et temps scolaires ?
Le premier levier de transformation des espaces et temps éducatifs/scolaires se fera avec l’appui des associations.
Un deuxième levier pourrait être celui des parents.
Le principe de co-éducation largement intégré par la communauté éducative a été renforcé avec l’école à la maison. De nombreux parents ont pris conscience de la difficulté du métier d’enseignant, ils ont aussi parfois repris la place de l’élève face aux prescriptions des enseignants. Beaucoup ont des idées nouvelles sur l’éducation et la formation.
C’est maintenant à notre tour d’écouter les parents pour intégrer leurs prescriptions dans le pilotage pédagogique des écoles et établissements.
https://www.educavox.fr/alaune/sebastien-gouleau-il-nous-reste-encore-une-grande-marge-de-progression
Repenser notre relation à la temporalité et aux espaces éducatifs
Vincent Liquète, professeur en sciences de l’information et de la communication et Jacques Mikulovic, professeur en STAPS proposent quelques pistes de travail et de réflexion pour l’école à la suite du confinement et de la généralisation temporaire de l’école à distance dans un article publié dans la revue Hermès.
- Se donner du temps en changeant la temporalité éducative, en mettant en concordance l’année scolaire avec l’année civile
- Pour une temporalité des apprentissages pour chacun
- Des espaces éducatifs à l’école et hors l’école, pris en compte dans la progression
- La formation des enseignants : enjeu d’une nouvelle construction spatio-temporelle ?
Jennifer Elbaz : S'inscrire personnellement et collectivement dans les valeurs fondamentales de notre pays !
Son analyse enrichie par ses expériences notamment issues du monde de l'entreprise, de l'édition, des technologies et de l'éducation, pointe les paradoxes et les risques de cette période qui ne sont pas seulement d'ordre sanitaire !
Tant que nous ne serons pas, de fait, inscrits personnellement et collectivement dans les valeurs fondamentales de notre pays, nous ne pourrons pas, sur le long terme, améliorer quelque processus que ce soit.
Nous sommes la liberté, l’égalité et la fraternité. Nous le sommes individuellement et collectivement.
Tant que nous n’incarnons pas ces valeurs à notre échelle, tant que nous n’agissons pas de la sorte, nous ne construisons rien.
États Généraux du numérique pour l’Éducation : Alimenter une réflexion sur les ajustements ou les évolutions stratégiques du numérique pour l'éducation
Dernière modification le dimanche, 13 mars 2022De très nombreux acteurs de l'éducation sont invités à contribuer. Il est donc à souhaiter, malgré la complexité des questions qui se posent, après les constats que tout le monde connait, après les recommandations et les propositions qui ne manqueront pas d'être à nouveau riches d'innovations, que l’opérationnalisation sera cette fois au rendez-vous.
Michelle Laurissergues
Accès à tous les articles : https://educavox.fr/accueil/debats/tag/Confinementset numérique
Un grand merci à tous les contributeurs !